Dans l’épisode précédent, je vous parle du four à pain et comment au Moyen-Âge, on fait cuire de grosses miches dans le four communal. Du pain souvent préparé à base de farine de seigle. C’est une farine complète, qui se conserve bien. Et puis, la plante de seigle, elle n’est pas compliquée. Elle est robuste, elle pousse même sur des sols pas tip top. Bref, les paysans la cultivent bien en Europe. Que des qualités ce seigle décidément. Sauf que.
Déjà, on est pas tous boulangers. Le pain, c’est un véritable savoir-faire. Oui, il n’y a pas beaucoup d’ingrédients et c’est bien là toute la difficulté. De la farine, de l’eau, du sel et de la levure ou du levain pour les puristes et puis derrière : le talent. Donc on fait un bon sourcing de sa farine, surtout de sa farine de seigle parce qu’elle est à l’origine des milliers de morts.
Je vous fait peur là mais je vais vous raconter une petite histoire. Un jour de l’été 1951, dans le village de Pont-Saint-Esprit en Provence, des villageois sont pris d’hallucinations violentes, ils deviennent fous. Bilan, 300 personnes atteintes d’un mystérieux mal, on dénombre au moins 5 morts et des dizaines de villageois sont envoyés directement en hôpital psychiatrique. Pourquoi ? Parce qu’ils ont mangé un pain ergoté.
L’ergotisme, c’est une maladie due à un champignon vénéneux qui contamine la céréale de seigle, l’ergot. Et si on fait du pain avec de la farine avariée, l'Homme peut lui-même être contaminé. Hallucinations donc, douleurs musculaires et même gangrène…Cette maladie fait des ravages depuis l’Antiquité. On ne l’a pas encore identifiée, on lui trouve alors des causes quasi-mystiques. C’est le mal des ardents, le feu sacré. Au Xe siècle, les Européens la voient comme une punition divine.
Au temps du Roi Soleil, le pain devient de plus en plus blanc, aussi pâle que les nobles de la cour. Et avec le pain blanc, les épidémies d’ergotisme se font de plus en plus rares et puis aujourd’hui, les contrôles sur les farines sont stricts donc pas de panique face à une tourte de seigle.
Mais tout n’est pas à jeter dans le pain ergoté ! Dès l’Antiquité, les Grecs et les Romains utilisent le champignon pour planer, se défoncer parce que l’ergot, de son petit nom, claviceps purpurea, est à la base de ce qui deviendra le LSD. Et je vous raconte dans le prochain épisode.
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