(Lectures de textes antiques)
Hello ! Aujourd’hui je vous propose un épisode bonus, dans la série des lectures de textes antiques écrits par des femmes antiques OU sur des femmes antiques.
En l'occurrence, ce texte satisfait les deux critères, puisqu’il a été écrit par la prêtresse-princesse-poétesse Enheduanna, qui a vécu autour de -2300 au royaume d’Akkad en Irak actuel, et porte sur la déesse mésopotamienne Inanna, aussi connue sous le nom de Ishtar.
Nous venons de dédier un épisode à Enheduanna, au format entretien avec une chercheuse, donc je vous recommande de l’écouter avant ou après pour plus d’informations.
Le texte que je vais vous lire est très important pour l’histoire. En fait, Enheduanna serait la première auteur.e, hommes et femmes confondus, de l’histoire de l’humanité. Puisque, en écrivant des hymnes à la déesse en -2300, elle précède Homère ou les personnes s’appelant Homère de 1500 ans.
Il y a plusieurs textes qu’on tente d’attribuer à Enheduanna, mais plusieurs sont débattus ; néanmoins, celui que je m’apprête à vous lire est le plus certain. On l’appelle l’Exaltation d’Inanna à l’époque moderne, et on lui attribue comme titre ancien Ninemesara, qui sont tout simplement les premiers mots, qui signifient « Maîtresse aux innombrables pouvoirs ».
En effet, la prêtresse Enheduanna s’adresse ici à sa maîtresse, c’est-à-dire la déesse Inanna, déesse de l’amour et de la guerre, déesse tutélaire de sa famille, de sa dynastie et de son royaume, pour chanter la force et la puissance assez terrorisante de la déesse, tout en lui demandant de l’aide dans une crise que traverse Enheduanna.
En effet. Enheduanna a été nommée prêtresse durant le règne de son père, le roi Sargon, car c’est un poste stratégique, où les rois nomment leurs filles. Elle le reste apparemment durant le règne de Naram-Sin, le successeur de Sargon, et le neveu d’Enheduanna. Or, Naram-Sin fait face à une grande révolte, conduite par 3 rois rebelles qui se proclament rois à la place du roi.
Selon le récit qu'en a laissé Naram-Sin, les instigateurs de cette révolte sont Iphur-Kish à Kish et Amar-girid à Uruk, qui se proclament roi ; un troisième chef insurgé, Lugal-Ane d'Ur, apparaît aussi dans la documentation. Et selon Enheduanna dans cet hymne, ce Lugal-Ane la destitue de sa position de prêtresse et la chasse de son temple.
Et c’est ainsi qu’elle appelle la déesse à l’aide.
Il existe plus de 100 copies de cet hymne, sur des tablettes de cunéiformes. Parce qu’en fait, dans les siècles suivant la mort d’Enheduanna, cet hymne est entré dans le corpus des textes classiques étudiés à l’école par les apprentis scribes en Mésopotamie ; il était l’un des 10 textes essentiels copiés par eux, dans ce qu’on appelle la « décade ».
Bonne écoute !
Sources
Texte lu : Innana B (Ninmešara) (4.7.2). Traduction de Pascal Attinger, 2011, actualisé en 2019
Modifications :
1) J'ai traduit certains termes laissés pour faciliter l'écoute :
2) J'ai explicité qui sont les dieux ("le dieu du ciel An" au lieu de "An", "le roi des dieux Enlil" au lieu de "Enlil", "le dieu de la lune Nanna" au lieu de "Nanna") - et j'ai mis leurs noms connus plutôt que leur noms archaïques le cas échéant ("Nanna" au lieu de ses autres noms "Suen" et "Dilimbabbar")
3) J'ai explicité les personnes auxquelles les pronoms font référence : "Lugalane" au lieu de “il”
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