Il signe l’appartenance à une armée, vêtement du quotidien, le treillis de l’armée française fait sa mue et sa révolution. Fini les treillis « désert » bien jaune, ou les treillis « centre Europe » bien verts, place désormais au BME pour « bariolage multi-environnement » : un seul vêtement pour tous les environnements, aux couleurs soigneusement choisies
C’est une alternance de grandes et petites taches brisées, avec un panachage de vert, un soupçon de kaki, et un fond brun dit « Terre de France ». Très utile ce « terre de France » insiste le commandant Stéphane, le doigt sur le nouveau treillis qu’il porte, il est responsable du programme BME au sein de la section technique de l’armée de terre : « Il y a un peu de marron, un peu de brun, on appelle ça le 'brun terre de France', qui est la couleur majoritaire et qui est celle qui fusionne à la distance de portée des tirs. »
Il y a aussi du blanc, une première. « Absolument, d'ailleurs le blanc, vous le voyez sur très peu de treillis dans le monde. C'est un petit peu une caractéristique du BME. Le blanc, il apporte en fait un contraste très fort, le blanc c'est un petit peu le reflet du soleil sur une feuille dans la lisière. Les contrastes que nous donnent les couleurs donnent du relief et permettent cette adaptation à un plus grand nombre d'environnements. »
Du blanc donc, mais cette fois pas de noir, « Le précédent treillis fusionnait en noir et le noir dans la nature, il n'existe pas. À l'état naturel en tout cas. Et c'est la couleur qui a le plus fort signalement aux infrarouges et même à l'œil nu, donc il a été retiré. C'était en fait une faiblesse technique pour le Centre Europe. »
Un treillis à la place de deux, l’objectif est donc de simplifier la logistique. Et pour y parvenir six ans d’études et de tests auront été nécessaires, souligne le commissaire en chef Nicolas, chef de la division Habillement au sein des armées, « Oui, ça prend du temps parce que par exemple, le blanc pour avoir cet effet de dissimulation, il est difficile à mettre au point puisque le tissu est assez technique. Il incorpore des fibres d'aramide, qui donne une protection au feu, on dit que le treillis est thermostable. Ensuite, on a la phase d'approvisionnement du tissu. On a dû en commander 3,5 millions de mètres linéaires. Et une fois qu'on a approvisionné le tissu et qu'on l'a contrôlé pour vérifier qu’il présentait toutes les caractéristiques demandées par les armées, on le donne à d'autres types d'industriels qui vont nous confectionner les tenues. Ce qui a été important pour nous, c'est d'avoir le temps de constituer un stock suffisant pour qu'ensuite la manœuvre de distribution se passe de façon fluide et pilotée. Une fois que le bouton 'ON' a été enclenché, ça ne s'arrête jamais ! »
Quelque 750 000 treillis ont été commandés. Deux industriels français et une société belge produisent le tissu qui est ensuite coupé en Bulgarie, avec quelques modifications, indique le commandant Stéphane : « On a rajouté de l'ergonomie au treillis F 3 tel qu'il avait été conçu initialement. Tout d'abord, dans la poche de poitrine, plutôt que d'avoir du tissu en fond de poche, nous avons mis un tissu Mesh, c'est un tissu qui est aéré. Ensuite, nous avons rajouté une poche qui se superpose à la poche cargo que nous avons sur la cuisse. Cette nouvelle poche s’ouvre verticalement, lorsque nous avons un genou à terre, nous pouvons accéder à cette poche et récupérer une checklist ou un message à envoyer, sans avoir besoin de se relever pour aller le récupérer ».
Ce treillis BME sera en dotation pour au moins trente ans. Les troupes en opération seront les premières équipées et comme le veut la tradition : le chef d’état-major des Armées sera le dernier à percevoir le sien.