Patrick Boucheron est né en 1965, à Paris. Après des études secondaires au lycée Marcelin Berthelot (Saint-Maur-des-Fossés) puis au lycée Henri IV (Paris), il entre à l’École normale supérieure de Saint-Cloud en 1985 et obtient l’agrégation d’histoire en 1988. C’est sous la direction de Pierre Toubert qu’il soutient en 1994 à l’université de Paris 1 sa thèse de doctorat d’histoire médiévale, publiée quatre ans plus tard sous le titre Le pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe-XVe siècles), Rome, École française de Rome, 1998 (Collection de l’EFR, 239).
Maître de conférences en histoire médiévale à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud de 1994 à 1999, puis à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne à partir de 1999, il fut membre junior de l’Institut universitaire de France de 2004 à 2009. En 2009, il soutient à l’université de Paris 1 une habilitation à diriger des recherches intitulée La trace et l’aura et est élu professeur d’histoire du Moyen Âge dans cette même université en 2012. Il est, depuis 2015, président du conseil scientifique de l’École française de Rome. Il a été élu la même année professeur au Collège de France sur la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle ».
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Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
07 - Le sexe du pouvoir
Intervenant :
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
06 - Le sexe du pouvoir : Corps politiques au travail du féminin
Intervenant :
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
05 - Le sexe du pouvoir : Tu seras un homme : virilités guerrières
Intervenant :
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
Résumé
L'analyse du travestissement et de la transidentité dans Le Roman de Silence et dans d'autres textes littéraires des XIIIe et XIVe siècles, mais aussi des quelques témoignages de réassignation de genre présents dans l'hagiographie médiévale, permet d'émettre l'hypothèse que dans l'anthropologie chrétienne, le genre apparaît moins comme un attribut d'identité sexuelle auquel on est assigné à la naissance, que comme une capacité d'action et de relation. C'est dans cette perspective qu'on se propose de réexaminer le cas de Jeanne d'Arc qui n'est, au XV siècle, « ni sainte ni transgenre » (Clovis Maillet), mais incarne, parmi d'autres figures, la possibilité, certes minoritaire, pour les femmes de se conduire virilement sur les champs de bataille. Entre pacificatrice et virago, la féminisation de la fonction guerrière s'accompagne d'une promotion de la notion de guerre juste, de Mathilde de Toscane aux femmes fortes pendant les guerres de Religion. Ainsi peut-on penser, avant l'uniformisation de la masculinité militaire à la fin de l'époque moderne, la diversité des virilités guerrières.
Sommaire
« Tu seras un homme, ma fille » : Nature et Noretur au chevet du chevalier Silence (Peggy MacCracken, Peggy, « "The boy who was a girl": reading gender in the Roman de Silence », The Romanic Review, 85, 1994)
Fendre ses dras, braies calcier : fentes, feintes et fraudes (Florence Bouchet, « L'écriture androgyne : le travestissement dans le Roman de Silence », dans Le Nu et le vêtu au Moyen Âge, XIIe-XIIIe siècles, Aix-en-Provence (Senefiance, 47), 2001)
Le père, ou Dieu le Père, gardien du passing médiéval : Yde et Olive et Tristan le Nanteuil (Michèle Perret, « Travesties et transsexuelles : Yde, Silence, Grisandole, Blanchandine », Romance Notes, 1984-1985)
Penser la transidentité au Moyen Âge : la fabrique du masculin comme élargissement de la capacité d'action (Clovis Maillet, Les Genres fluides. De Jeanne d'Arc aux saintes trans, Paros, 2021)
Genus masculinum in femininum transivit : Hildegonde/Joseph
Le cas Eugène/Eugénie : « Tu as raison de t'appeler Eugène car tu as agi en homme »
Pourquoi Jeanne d'Arc s'habillait-elle en homme ? « Jeanne répondit que ce fut par sa propre volonté, sans aucune contrainte, et que cet habit lui plaisait plus que celui de femme »
« Femme, mais vierge » : examen de genre ou examen de virginité ?
Davantage putain que sorcière : le dessin du greffier Clément de Fauquemberguer (Claude Gauvard, Jeanne d'Arc. Héroïne diffamée et martyre, Paris, 2025)
« Jeanne n'était ni sainte ni transgenre » (Clovis Maillet)
Clémence de Rabstens, Marie Robine et les autres : Jeanne n'est pas seule comme femme inspirée (André Vauchez, Les Laïcs au Moyen Âge. Pratiques et expériences religieuses, Paris, 1987)
Claude des Armoises, Marie la Ferrone et les autres : Jeanne n'est pas seule non plus comme cheffe de guerre (Colette Beaune, Jeanne d'Arc, Paris, 2024)
Guillaume le Berger, ou ce que l'on pouvait accepter de Jeanne
La virtus des hommes et des femmes viriles : mesure et maturité
« Retourne toi, si tu es un homme » (Chris Fletcher, Richard II: Manhood, Youth, and Politics, 1377-99, Oxford, 2008)
Dans les villes également, « le spectacle public de la virilité » (Jean-Dominique Delle Luche, Des amitiés ciblées. Concours de tir et diplomatie urbaine dans le Saint-Empire, XVe-XVIe siècle, Turnhout, 2021)
Faire l'amour, faire la paix, faire la guerre
« Salut à toi, la plus virile de toutes les femmes ! » : Lysistrata, de la grève du sexe à la guerre des sexes (Aristophane, 411 av. n.è.)
Au XVe siècle, des « traités de paix et abstinence de guerre » (Lucie Jardot dans Sophie Lalanne, Didier Lett et Dominique Picco dir., Une histoire des femmes en Europe : des grottes aux Lumières, Paris, 2024)
« Dame paix » : la construction du genre féminin pacificateur (Nicolas Offenstadt, Faire la paix au Moyen Âge. Discours et gestes de paix pendant la Guerre de Cent ans, Paris, 2007)
Le partage des rôles dans la politique émotionnelle des couples princiers : colère retenue et effusion de larmes
Pacificatrices, messagères, espionnes (Jelle Haemers et Lisa Demets, « Espionnes et messagères en guerre au Moyen Âge. Les pratiques du renseignement pendant la Révolte de Flandre (1488-1489) », Clio, 59-1, 2024)
A Birka, le guerrier viking était une guerrière (Neil Price, Charlotte Hedenstierna-Jonson et alii, « Viking Warrior Women? Reassessing Birka Chamber grave Bj.581 », Antiquity, 93, 2019)
« Au milieu des caresses conjugales » (Orderic Vital) : femmes de croisés et femmes croisées
Mathilde de Toscane, virago catholica (Sophie Cassagnes-Brouquet, « Au service de la guerre juste. Mathilde de Toscane (XIe-XIIe siècle) »,Clio, 39, 2014)
Si les héros revenaient sur terre, ils seraient étonnés : Eustache Deschamps et les nouveaux visages de la guerre
Brutalisation des combats et revival chevaleresque
La plainte politique de l'amante abandonnée (Florence Alazard, Le Lamento dans l'Italie de la Renaissance. "Pleure, belle Italie, jardin du monde", Rennes, 2010)
Sur les remparts et aux combats : femmes fortes et femmes viriles au XVIe siècle (Véronique Garrigues, « Les "femmes viriles". Un genre de transgression pendant les guerres de Religion ? » Dans Laurent Douzou, Sylvène Édouard et Stéphane Gal dir., Guerre et transgressions. Expériences transgressives en temps de guerre de l'Antiquité au génocide rwandais, Grenoble, 2018)
Des communautés mixtes de campagne à l'encasernement du XVIIe siècle (John A. Lynn, Women, Armies and Warfare in Early Modern Europe, Cambridge, 2008)
Au temps de Fanfan la Tulipe (Hervé Drévillon, « Des virilités guerrières à la masculinité militaire (France, XVIIe-XVIIIe siècles) » dans Anne-Marie Sohn dir., Une histoire sans les hommes est-elle possible ?, Lyon, 2014).
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
04 - Le sexe du pouvoir : La tyrannie masculine
Intervenant :
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
Résumé
Le droit de cuissage a-t-il existé au Moyen Âge ? Certainement pas comme ius primae noctis, et il faut pour cela suivre la démonstration d'Alain Boureau qui montre comment les controverses sur cette redevance seigneuriale imaginaire au XIXe siècle mettent à l'épreuve la notion même d'ordre social, en miroir entre le Moyen Âge et la modernité. Mais il faut également entendre la leçon de Marie-Victoire Louis, démontrant l'ambivalence des rapports entre le fait et le droit en matière de violences faites aux femmes. Proposant de relancer le programme d'une histoire des mœurs attentive à la libido dominandi qui noue le sexe au pouvoir, et suivant la protestation navrée de Christine de Pizan dans La Cité des dames sur la persistance des voix masculines qui prétendent que femmes veullent estre efforciées, on aborde les cultures et les pratiques du viol à la fin du Moyen Âge. La tyrannie masculine se donne en spectacle. Comment résister à sa contemplation ? À partir de l'analyse du thème iconographique du viol de Lucrèce dans la peinture du XVIe siècle, et de la fascination pour le motif du dévoilement, on suggère qu'il y a également là un enjeu éthique pour la responsabilité de l'historien.
Sommaire
« Voilà les mœurs qui régnaient dans le temps des croisades » (Voltaire, Essai sur les mœurs, 1756) : le ius primae noctis ou les redevances imaginaires du féodalisme
Cullagium, cullage, couillage : du droit à la communauté à l'abus des seigneurs
De la Chanson des vilains de Verson (1247) au jurisconsulte Jean Papon (1556) : la « disponibilité conceptuelle » d'une fable historiographique (Alain Boureau, Le Droit de cuissage. La fabrication d'un mythe, XIIIe-XXe siècle, Paris, 1995)
Louis Veuillot et Jules Michelet : une controverse sur l'ordre médiéval, « matriciel du contemporain »
La fabrique de la modernité : sciences sociales, médiévisme, médiévalisme (Étienne Anheim et Catherine König-Pralong dir., « Le Moyen Âge des sciences sociales », Revue d'histoire des sciences humaines, 2024)
Construction nationaliste et pratiques sexuelles : repenser le droit de cuissage (Zrinka Stahuljak, L'Archéologie pornographique. Médecine, Moyen Âge et histoire de France, Rennes, 2018)
De Balzac à Voltaire. Faut-il relancer le programme de l'histoire des mœurs ?
Une histoire politique de la libido dominandi (Myrtille Méricam-Bourdet, « L'empire du sexe : sexe et pouvoir dans l'Essai sur les mœurs », Revue Voltaire, 14, 2014)
« Tuer le mythe du droit de cuissage ne sert sans doute à rien… » : pourquoi faudrait-il sauver l'honneur du Moyen Âge ? (Claude Gauvard, Passionnément Moyen Âge : Plaidoyer pour le petit peuple, Paris, 2023)
Droit de cuissage, « fait de cuissage » et droit du plus fort (Geneviève Fraisse, « Le droit de cuissage et la responsabilité de l'historien », Clio, 1996)
Sur le droit supposé des hommes à disposer du corps des femmes (Marie-Victoire Louis, Droit de cuissage, France, 1860-1930, Paris, 1994)
La silence n'est pas un consentement (Michelle Perrot, Les Femmes ou les silences de l'histoire, Paris, 1998)
Les mots pour le dire au XIXe siècle : assiduité, galanterie, privauté
« Entre fiction et trivialité » (Geneviève Fraisse), l'usage contemporain de l'expression « droit de cuissage »
Faire de l'histoire avec Alain Boureau et Marie-Victor Louis
Le « silence déchiré » (Marie-Victoire Louis) et l'initiation « pour l'essentiel une pratique muette » (Michel Foucault)
La nuit de noces, initiation féminine de la domination masculine (Aïcha Limbada, La Nuit de noces. Une histoire de l'intimité conjugale, Paris, 2023)
« Je n'ai entrevu que des ombres, flottantes, insaisissables » (Georges Duby, Dames du XIIe siècle, Paris, 1996)
Comme le bourdonnement d'un frelon : un cas de harcèlement sexuel à Bologne en 1351 (Chloé Tardivel, « Genre, justice et harcèlement sexuel au Moyen Âge », dans Écrire l'histoire du harcèlement sexuel. Les mots pour le dire, Paris-Saclay, 2023)
Christine de Pizan « contre ceulx qui dient que femmes veullent estre efforciées » (Le Livre de la cité des dames, éd. Claire Le Nina et Anne Paupert, Paris, 2023)
Viol, cri et consentement (Didier Lett, Crimes, genre et châtiments au Moyen Âge. Hommes et femmes face à la justice au Moyen Âge, Paris, 2024)
L'obsession des juges pour les « folles dénonciations » (Nicole Gonthier, « Les victimes de viol devant les tribunaux à la fin du Moyen Âge d'après les sources dijonnaises et lyonnaises », Criminologie, 27/2, 1994)
Croire ce que dit Marguerite de Thibouville (Peter Ainsworth, « Au-delà des apparences : Jean Froissart et l'affaire de la dame de Carrouges », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 25, 2013)
Rape, rapt, raptus : ravissants ravisseurs (Sylvie Joye, La Femme ravie. Le mariage par rapt dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge, Turnhout, 2012)
Un crime contre la propriété ? (Didier Lett, Sylvie Steinberg et Fabrice Virgili éd., « Abuser/Forcer/Violer », Clio, 52, 20)
Violer une prostituée, violer une vierge : l'inégalité des vies (Iñaki Bazán, « Quelques remarques sur les victimes du viol au Moyen Âge et au début de l'époque moderne », dans Benoît Garnot dir., Les Victimes, des oubliées de l'histoire ?, Rennes, 2000)
Viols incestueux et pédocriminalité : crime énorme destructor humane species (Didier Lett, Viols d'enfants au Moyen Âge : Genre et pédocriminalité à Bologne XIVe-XVe siècle, Paris, 2021)
Gilles et Jeanne (Jacques Chiffoleau, « Gilles de Rais, ogre ou serial killer ? », L'Histoire, 335, 2008)
Gilles de Rais, bête d'extermination à l'école des « Césars dégénérés »
Le sexe et la mort : la tyrannie comme machine à jouir travaillant à sa propre destruction (cours du 21 mars 2017 : « Qu'est-ce que préfigurer ? »)
« Le rouage du grotesque dans la mécanique du pouvoir » (Michel Foucault, Les Anormaux. Cours au Collège de France, 1974-1975, Paris, 1999)
Le « souverain moderne » et les « corps-sexes » (Achile Mbembe, Brutalisme, Paris, 2020)
Botticelli, le viol de Lucrèce et le soulèvement républicain
Quand la peinture du XVIe siècle transforme un supplice en objet de contemplation (Henri de Riedmatten, Le Suicide de Lucrèce. Éros et politique à la Renaissance, Paris, 2022)
La vérité nue : héroïsme viril du dévoilement et éthique du chercheur (Bruno Latour, Cogitamus. Six lettres sur les humanités scientifiques, Paris, 2010).
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
03 - Le sexe du pouvoir : Les eunuques, ou comment s'en débarrasser
Intervenant :
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
Résumé
Tandis que son assimilation de la répudiation au divorce suscitait le dépit de ses disciples, le Christ usa pour se faire comprendre, ou plutôt pour se faire obéir (« comprenne qui pourra ») une parabole sur les eunuques (Matthieu, 1, 10-12). Ceux qui sont « nés ainsi du sein de leur mère » posent le problème de la compréhension de l'intersexuation dans les sociétés anciennes et ceux « qui ont été rendus tels par les hommes » celui du châtiment de castration. Mais il y a aussi ceux qui, depuis Origène, « se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux ». Est-ce le cas des clercs ayant renoncé à la chair ? La castration symbolique est un « combat de chasteté » (Michel Foucault) qui met en jeu les catégories de la masculinité et de la virilité. Les eunuques sont donc porteurs d'une énigme théologique et d'un secret politique que les Européens préféreront écarter, au loin, dans la notion de despotisme oriental : c'est ainsi que l'on suivra Orcan, l'eunuque noir, jusqu'à ce lieu tragique par excellence qu'est le sérail de Bajazet.
Sommaire
« Viens, suis-moi, la sultane en ce lieu se doit rendre » : lever de rideau sur Bajazet (1672)
Le sérail, lieu du tragique racinien, à la suite d'Orcan, l'eunuque noir
Faux départ et incompréhension des disciples, « Comprenne qui pourra » (Matthieu, 19, 10-12)
Peut-on répudier son épouse ? Morale du lignage et morale des prêtres (Georges Duby, Le Chevalier, la Femme et le Prêtre, Paris, 1981)
Les eunuques dont parlent Jésus sont-ils vraiment des eunuques ? (Constantin Daniel, « Esséniens et eunuques », Revue de Qumrân, 1968)
« Les eunuques, nés ainsi au sein de leur mère » : penser l'intersexuation au Moyen Âge
L'épreuve par la génétique, ou le chromosome X et la guerre (Ulla Moilanen, Neil-Johanna Kirkinen Saari et al., « A Woman with a Sword? – Weapon Grave at Suontaka Vesitorninmäki, Finland », European Journal of Archaeology, 2022)
« Ceux qui sont hommes et femmes » : monstruosité, diversité, inégalité (Les Monstres des hommes. Un inventaire critique de l'humanité au XIIIe siècle, éd. Pierre-Olivier Ditmar et Maud Pérez-Simon, Paris, 2024)
« Avons-nous vraiment besoin d'un vrai sexe ? » (Michel Foucault, préface à Herculine Barbin dite Alexina B, Paris, 1978)
« Il y a eu des eunuques qui ont été rendus tels par les hommes » : engendrement des dieux, châtiment des hommes
Castration et circoncision : nekeva juive et incompréhensions chrétiennes
Orchidectomie et émasculation dans la pratique médicale médiévale (Laurence Moulinier, « La castration dans l'Occident médiéval », dans Autour de la castration : de l'adultère à la chirurgie régulatrice, Poitiers, 2009)
Castration et vengeance privée : Abélard et les malfrats
« Tu dois être appelé, non Pierre, mais Pierre l'incomplet » (Roscelin de Compiègne) : castration et changement de nom chez les animaux humains et non-humains
« Et il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux » : l'erreur de jeunesse d'Origène, Père de l'Église
Infertilité, impuissance et débauche : l'impossible martyr de la libido
« Rien n'est meilleur que d'être à soi-même son héritier et son épouse » (« Vie d'Antonin Héliogabale », Histoire auguste)
La castration d'Origène comme marque des contradictions de l'économie chrétienne de l'engendrement
Du testiculum au testis : la chair s'est fait verbe et la chasteté devient féconde (Odon Valet, Le Honteux et le Sacré. Grammaire de l'érotisme divin, Paris, 1998)
Le Christ autobasileia et la théologie du suicide (Pierre-Emmanuel Dauzat, Le Suicide du Christ. Une théologie, Paris, 1998)
Le « sexe de vent » du Christ mort (Jérôme Baschet et Jean-Claude Schmitt, « La "sexualité" du Christ », Annales ESC, 1991)
L'un et l'autre sexe de Jésus (Carolyn Bynum, Jesus as mother. Studies in the Spirituality of the High Middle Ages, Berkeley, 1984)
L'ostentatio genitalis : humanation et tentations du Christ (Léo Steinberg, La Sexualité du Christ dans l'art de la Renaissance et son refoulement moderne, Paris, 1987)
Que faire de son sexe ? Le « combat de chasteté » des maris et des prêtres
« C'est la forme involontaire d'un mouvement qui fait du sexe le sujet d'une insurrection et l'objet du regard » (Michel Foucault, Les Aveux de la chair, Paris, 2018)
Histoires de consentement (Manon Garcia, La Conversation des sexes. Philosophie du consentement, Paris, 2021)
Usage des corps et coupure grégorienne (Peter Brown, Le Renoncement à la chair. Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, Paris, 1995)
Castration, infirmité et handicap au miroir des suppliques pontificatles (Ninon Dubourg, « Émasculations cléricales. Itinéraires particuliers pour aborder l'identité du clerc émasculé (XIIe-XVe siècle) », Encyclo. Revue de l'école doctorale Sciences des Sociétés ED 624, 2014)
Lapsus carnis entre discours politiques et pratique sociale (Julien Théry « L'incontinence de la chair. Révolution pastorale et contrôle pontifical de la hiérarchie cléricale au second Moyen Âge (12e-15e siècles) », Cahiers d'histoire, 2020)
Le prêtre peut-il être un bon père de famille ? (Michelle Armstrong-Partida, « Concubinage clérical, familles cléricales et masculinité sacerdotale dans la Catalogne du XIVe siècle », Cahiers de Fanjeaux, 2019)
Mâle sacrifié maîtrisant le sexe du pouvoir, le prêtre est le plus viril des hommes (Robert N. Swanson, « Angel incarnate: clergy and masculinity from gregorian reform to reformation », dans Dawn Marie Hadley dir., Masculinity in medieval Europe, Londres, 1999)
« À l'insu de l'abbé, il faut le souhaiter » (Roland Barthes, « Iconographie de l'abbé Pierre », dans Mythologies, Paris, 1957)
Resacerdotalisation et surcharge viriliste dans l'Église contemporaine (Josselin Tricou, Des soutanes et des hommes : enquête sur la masculinité des prêtres catholiques, Paris, 2021)
Au Moyen Âge, la longue robe des clercs et des juges (Robert Jacob, La Grâce des juges. L'institution judiciaire et le sacré en Occident, Paris, 2014)
Généalogie du monstre ou monstre généalogique (Vincent Azoulay, « Xénophon, le roi et les eunuques », Revue française d'histoire des idées politiques, 2000)
À Byzance, les eunuques au palais, ou le troisième sexe (Georges Sidéris, « Une société de ville capitale : les eunuques dans la Constantinople byzantine (IVe-XIIe siècle) », dans Les villes capitales au Moyen Âge. Actes du 36e Congrès de la SHMESP, Paris, 2005
Esclavage, liberté et expertise : le « politique neutralisé » (Paulin Ismard, La Démocratie contre les experts. Les esclaves publics et Grèce ancienne, Paris, 2015)
Le harem, « sous le signe d'un absolu monarchique et viril » (Jocelyne Dakhlia, Harems et Sultans. Genre et despotisme au Maroc et ailleurs, XIVe-XXe siècle, Toulouse, 2024)
« La vérité est qu'il reste hommes » (Al-Mas'udi) : fantasmes, faux mystères et mobilité sociale
Eunuques noirs et eunuques blancs après 1550
Le « savoir jouir » du tyran (Alain Grosrichard, Structure du sérail. La fiction du despotisme asiatique dans l'Occident classique, Paris, 1979)
Du despotisme politique au despotisme familial (Nadia Tazi, Le Genre intraitable. Politiques de la virilité dans le monde musulman, 2019)
Orcan, l'esclave noir de Bajazet, et la violence faite aux femmes
« À mille ans ou à mille lieux de nous, ce qui n'est encore dans aucune histoire imprimée » (Jean Racine, préface à Bajazet).
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
02 - Le sexe du pouvoir : Le désordre des pères
Intervenant :
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
Résumé
Le concept sociologique et anthropologique de patriarcat, qui est devenu un nom de combat dans les luttes contemporaines pour les luttes féministes, peut-il s'appliquer au Moyen Âge ? On pourrait le croire, tant le concept de paternitas configure sémantiquement l'ensemble des relations de domination. Mais dès lors qu'on s'intéresse à la fois au fonctionnement réel des systèmes de parenté au Moyen Âge et aux valeurs et aux imaginaires qui les fondent, les choses se compliquent. Notamment lorsqu'on affronte la figure de Dieu le Père, et de tout ce qui, dans le système de l'Église, n'a pas évacué la part du féminin, ce qui n'est pas sans effet sur la conception des rapports entre génération et production. En étudiant notamment les paradoxes de l'anthropologie chrétienne de l'engendrement, et en repérant certaines de ses conséquences sur la gouvernementalité, on suggère qu'il y a, là encore, un ferment davantage qu'un ciment.
Sommaire
Le patriarcat, « ennemi principal » (Christine Delphy) : définitions
Bachofen, Morgan, Engels : le matriarcat et ses « découvertes à répétition » (Émilie Hache)
La gynocratie idéale de Marija Gambutas
Femme génitrice et mère nourricière (Julien d'Huy, Cosmogonies. La préhistoire des mythes, Paris, 2020)
Dominus : sur la piste de Dieu le Père
Obéissance maritale et ordre social dans Le Jeu d'Adam (Joseph Morsel, « Dieu, l'homme, la femme et le pouvoir. Les fondements de l'ordre social d'après le "Jeu d'Adam" » dans Monique Goullet et alii dir., Retour aux sources. Textes, études et documents d'histoire médiévale offerts à Michel Parisse, Paris, 2004)
Paternitas : archéologie textuelle et sémantique historique (Nicolas Perreaux, « In nomine patris. Éléments pour une sémantique de la paternité médiévale », dans Léo Dumont, Octave Julien et Stéphane Lamassé dir., Histoire de mots. Saisir le passé grâce aux données textuelles, Paris, 2023)
La fausse symétrie dominus/servus et pater/filius et l'épreuve du vouvoiement
Le patriciat comme forteresse imprenable : du Nom-du-Père chez Jacques Lacan au pallogocentrisme de Jacques Derrida
« Ce gouvernement qui ressemblait à mon père » (Pierre Legendre, Leçons VIII. Le crime du caporal Lortie. Traité sur le Père, Paris, 1989)
Mourir pour la patrie : du Vitae necisque potestas du droit romain au « Petit père des peuples » (Ernst Kantorowicz, Yann Thomas et Giorgio Agamben)
Les topolignées et l'inflexion agnatique d'un système de parenté indifférenciée (Anita Guerreau-Jalabert, « La Parenté dans l'Europe médiévale et moderne : à propos d'une synthèse récente », L'Homme, 1989)
Retour sur terre et dans les choses : Dieu est dominus en tant qu'il est « créateur de toutes choses » (Hugues de Saint-Victor)
Le principe masculin d'une production du monde ex nihilo (Émilie Hache, De la génération. Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production, Paris, 2024)
Sur la notion d'androcène, entre « essentialisme stratégique » et croyance politique
Du Dieu un au Dieu unique : quand Yahvé devient célibataire (Thomas Römer, L'Invention de Dieu, Paris, 2014)
Où est passé Ashérah, la déesse de Yahvé ? (Mary Daly, Beyond God the Father: toward a philosophy of women's liberation, Boston, 1973)
« Comme une femme en travail, je vais souffler, respirer et aspirer à la fois » (Isaïe) : Dieu notre mère engendre la communauté
Masculum et feminam creavit eos (Genèse, 1, 27) : Dieu crée l'homme à son image, masculin et féminin
Expulser la part féminine de Dieu : l'antijudaïsme chrétien et l'obsession des flux de sang
La haine de la faille identitaire (Daniel Sibony, L'Énigme antisémite, Paris, 2004)
Et pourtant : le « postulat unisexe » de l'Église (Luca Castiglioni, Filles et fils de Dieu. Égalité baptismale et différence sexuelle, Paris, 2020)
Une figure inattendue du patriarcat : le sein d'Abraham (Jérôme Baschet, Le Sein du père. Abraham et la paternité dans l'Occident médiéval, Paris, 2000)
Le pli : sinus, entre intériorité et sinuosité
« Vierge mère, fille de ton fils » (Dante, Paradis, XXXIII) : le signum contradicibile dans l'anthropologie chrétienne de la génération
« Par sa manière d'aimer, le Père a acquis ce qui est caractéristique de la nature féminine » (Clément d'Alexandrie)
L'Église est sa propre Mère, et son fils, qui est en même temps son père, est aussi son époux (Pierre-Emmanuel Dauzat, Les Pères de leur Mère. Essai sur l'esprit de contradiction des Pères de l'Église, Paris, 2000)
« À son seigneur, ou plutôt à son père, à son époux, ou plutôt à son frère, sa servante, ou plutôt sa fille, son épouse, ou plutôt sa sœur… » : Héloïse à Abélard
Le regimen et l'indignité au pouvoir (Jacques Dalarun, Gouverner c'est servir. Essais de démocratie médiévale, Paris, 2006)
Sicut mater : François d'Assise rêve d'une petite poule noire (Jacques Dalarun, François d'Assise ou le pouvoir en question. Principes et modalités du gouvernement dans l'Ordre des frères mineurs, Bruxelles, 1999)
Une mère poule dévorante : les déboires du Re Chichinella (Emma Dante)
Masculinités déconstruites et domination sociale
« Drill, baby, drill » : pour une archéologie du désordre des pères
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
01 - Le sexe du pouvoir : « Your body, my choice »
Intervenant :
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
Résumé
Est-on certain qu'il faille se risquer jusqu'au Moyen Âge pour trouver des formes violentes de domination masculine ? Le monde contemporain en offre malheureusement le triste spectacle, où s'exhibe crânement le sexe du pouvoir. Dès lors, il est difficile d'adopter la leçon des Grecs, qui riaient de l'impuissance bavarde de Priape. Cette première leçon, sous forme d'introduction générale, cherche dans l'anthropologie structurale mais aussi dans les nouvelles épistémologies féministes de la philosophie politique contemporaine les bases théoriques pour fonder une enquête sur les rapports de pouvoir entre sexe, genre et sexualité, tout en adoptant la méfiance foucaldienne contre le sexe roi et le tout-politique. En analysant deux objets du XIVe siècle (un coffret d'ivoire conservé au musée de Cluny et l'aquamanile figurant sur l'affiche du cours) à la lumière du Lai d'Aristote, on tente de définir ce que l'on attend du Moyen Âge dans cette enquête : une attention plus soutenue à l'ambivalence, qui vaut puissance de renversement.
Sommaire
Everything in the world is about sex, except sex. Sex is about power : sur une fausse citation de House of Cards
La brutalité en politique, hier et aujourd'hui
Comment rire du fascinus ? (Pascal Quignard, Le Sexe et l'Effroi, Paris, 1994)
Un petit dieu sans forme, et mal taillé (Maurice Olender, Priape, le phallocrate impotent, Paris, 2025)
Le gouvernement priapique : une impuissance bavarde et obscène
Critiques du sexe roi et du tout-politique
L'Histoire de la sexualité de Michel Foucault, ou la « science des partages »
Le sexe ne dit rien de la vérité nue du pouvoir
Contre « cette austère monarchie du sexe » (La Volonté de savoir, Paris, 1976)
« Le sexe désigne donc trois choses… » (Elsa Dorlin, Sexe, genre et sexualités, Paris, 2008)
« Un fantasme doué d'une puissance destructrice » (Judith Butler, Qui a peur du genre ?, Paris, 2025)
Du genre comme « façon première de signifier les rapports de pouvoir » (Joan W. Scott, « Genre : une catégorie utile d'analyse historique », Les Cahiers du GRIF, 1988) aux « rapports sociaux de sexe » (Nicole-Claude Mathieu, L'Anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Paris, 1991)
La « valence différentielle des sexes » comme « butoir ultime de la pensée » (Françoise Héritier, Masculin/Féminin, Paris, 1996-2012)
« Pensée de la différence » pour « dissoudre la hiérarchie » : un structuralisme militant
Aristote, De la génération des animaux : le sperme comme pneuma
Les femmes, le lait, le sang
Doctrines médiévales de l'embryon (Maaike Van Der Lugt, Le Ver, le démon et la vierge. Les théories médiévales de la génération extraordinaire, Paris, 2004)
Rappel sur les politiques de l'amour : un système de pouvoir ne s'ordonne pas sans danger en articulant ses arts de gouverner aux arts d'aimer
Pour saluer Christine Klapisch-Zuber : retour au plateau d'accouchée
Le coffret composite dit de « L'assaut du château d'Amour » du musée de Cluny
L'amour, la guerre, la folie : modèles littéraires
Sagesse de Salomon et folie d'Aristote
Le philosophe, entre omniscience et aveuglement
Phyllis chevauchant Aristote : un aquamanile et son Wasserhahn
Dompter le lion des philosophes (Figures du fou, Paris, 2024)
Roman d'Alexandre et Lai d'Alexandre : moquer la maiestas du maître
« Sa tresce grosse, longue et blonde :/Na pas deservi c'on la tonde » (André Corbellari, « Lascive Phyllis », dans Chantal Connochie-Bourgne dir., La Chevelure dans la littérature et l'art du Moyen Âge, Arles, 2004)
Equus eroticus : rôle actif, rôle passif
Chrétien de Troyes et Quentin Tarantino
I'ma get medieval on your ass : le stade anal de la domination masculine ?
Une pierre à aiguiser les épées sous forme de phallus
Your body, my choice, slogan masculiniste : quatre mots et tout est saccagé
Des « Politiques de l'amour » au « Sexe du pouvoir » : encore une fois, l'effraction du présent
« Je ne serai pas complet. Je voudrais juste, une fois de plus, comprendre, et faire comprendre » (Lucien Febvre, Autour de l'Héptaméron, amour sacré, amour profane, Paris, 1944).
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
Séminaire - Notre-Dame de Paris, la cathédrale des savoirs. Entre matérialité et interdisciplinarité - Les fragments du jubé médiéval de Notre-Dame récemment mis au jour et les nouvelles connaissances matérielles sur les fragments sculptés du musée de Cluny
Christophe Besnier
Archéologue à l'Inrap
Hélène Civalleri
Archéologue à l'Inrap
Dorothée Chaoui-Derieux
Archéologue au service régional d'Archéologie de la Drac Île-de-France
Damien Berné
Conservateur en chef, musée de Cluny
Lise Cadot-Leroux
Ingénieure de recherche au LRHM
Stéphanie Duchêne
Ingénieure d'études au LRHM
Jennifer Vatelot
Conservatrice-restauratrice de sculptures
Séverine Lepape
Directrice et conservatrice, Musée national du Moyen Âge
Résumé
La retentissante découverte d'une partie du jubé médiéval de Notre-Dame mis au jour dans le cadre de fouilles préventives conduites par l'Inrap en 2022 à la croisée du transept de Notre-Dame, le travail conjoint de restaurateurs et d'ingénieurs de recherche sur les vestiges de la cathédrale après l'incendie et le programme de restauration et d'analyses des éléments sculptés de l'édifice conservés au musée de Cluny constituent un remarquable vivier de nouvelles découvertes. Les compétences de chaque intervenant au profil varié (géologie, polychromie, restauration, archéologie, histoire de l'art) ont ainsi renouvelé la connaissance sur le contexte matériel de la création de ces sculptures. Qu'il s'agisse de la fourniture des pierres, de la polychromie des sculptures ou des possibilités de datation qu'offrent les analyses au carbone 14 du blanc de plomb, ce véritable laboratoire interdisciplinaire réuni autour de la cathédrale et de l'exposition offre, grâce à l'interdisciplinarité de son approche, de nouvelles informations et de riches perspectives en matière de recherches futures.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
Séminaire - Notre-Dame de Paris, la cathédrale des savoirs. Entre matérialité et interdisciplinarité - Images de pierre, images de parchemin : relecture du jubé et de la clôture de chœur de Notre-Dame à la lumière d'un manuscrit démembré
Damien Berné
Conservateur en chef, musée de Cluny
Séverine Lepape
Directrice et conservatrice, Musée national du Moyen Âge
Charles Little
Curator Emeritus of the Department of Medieval Art and The Cloisters The Metropolitan Museum of Art, New York
Darwin Smith
Directeur de recherche au CNRS
Françoise Vielliard
Professeur émérite de philologie romane à l'École nationale des chartes
Résumé
La séance étudiera le dialogue singulier entre un recueil d'images de pierre, le jubé et la clôture du chœur de Notre-Dame, et un recueil d'images d'encre, une « Bible historiée toute figurée » peinte vers 1340 qui s'inspire de ces deux cycles sculptés. Ce manuscrit démembré et éparpillé aux quatre coins du monde a fait l'objet de nouvelles découvertes à l'occasion de l'exposition au musée de Cluny. Il sera interrogé sous l'angle de la langue, de sa typologie littéraire et dévotionnelle et du style de ses enluminures, mais aussi de ce qu'il révèle du jubé et de la clôture, détruits à partir de 1699 pour faire place au vœu de Louis XIII. Les intervenants reviendront sur les hypothèses du contexte de commande de ce manuscrit mystérieux en relation avec le chapitre cathédral.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
Séminaire - Notre-Dame de Paris, la cathédrale des savoirs. Entre matérialité et interdisciplinarité - Les livres à Notre-Dame de Paris au Moyen Âge : bibliothèque, trésor et archives
Émilie Cottereau-Gabillet
Maîtresse de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Fabrice Delivré
Maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Charlotte Denoël
Conservatrice en chef au département des Manuscrits de la BnF
Maxence Hermant
Conservateur en chef au département des Manuscrits de la BnF
Éric Landgraf
Chef de la documentation au musée de Cluny
Darwin Smith
Directeur de recherche au CNRS
Séverine Lepape
Directrice et conservatrice, Musée national du Moyen Âge
Résumé
À l'occasion de l'exposition « Feuilleter Notre-Dame : chefs-d'œuvre de la bibliothèque médiévale », organisée au musée de Cluny par la BnF, la séance réunira les spécialistes des manuscrits et des archives de Notre-Dame. Elle reviendra sur les apports nouveaux que le projet ANR « e-NDP Notre-Dame de Paris et son cloître » a suscités grâce à la numérisation et à la transcription de vingt-six registres du chapitre de Notre-Dame (1326-1504) conservés aux Archives nationales, qui représentent une exceptionnelle source d'information sur les usagers des ouvrages et leurs centres d'intérêt, ainsi que sur les conditions matérielles de la conservation des livres au sein de l'enclos canonial. Des études de cas croisant les différentes sources documentaires disponibles sur les livres à Notre-Dame permettront aux intervenants de mettre en lumière les spécificités des différents ensembles de livres et le rôle moteur joué par la cathédrale et ses chanoines dans la transmission des savoirs et la diffusion des usages liturgiques parisiens au cours du Moyen Âge. En fin de séance sera abordée la question de la préservation des biens de Notre-Dame, objets mobiliers et livres, entre la fin du XVIIIe et la fin du XIXe siècle, d'après les archives, afin de poser les jalons du long réveil de la conscience patrimoniale qui s'est forgée autour de la cathédrale.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
Séminaire - Notre-Dame de Paris, la cathédrale des savoirs. Entre matérialité et interdisciplinarité - De l'étude scientifique à la restauration : les dimensions d'un chantier unique
Pascal Liévaux
Chef du département de la Recherche, de la Valorisation et du Patrimoine culturel immatériel, direction générale des Patrimoines et de l'Architecture, ministère de la Culture
Aline Magnien
Directrice honoraire du Laboratoire de recherche des monuments historiques
Martine Regert
Directrice de recherche au CNRS
Pascal Prunet
Agence Notre-Dame, mandataire de la Maîtrise d'œuvre du chantier de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Jonathan Truillet
Adjoint « Science et patrimoine » à la directrice générale déléguée, Établissement public « Rebâtir Notre-Dame de Paris »
Résumé
Le chantier de Notre-Dame de Paris, tel qu'il a été mené depuis cinq ans, a constitué une entreprise matérielle et intellectuelle inédite, au sein duquel la recherche scientifique a tenu une place essentielle. En prenant pour point de départ l'ouvrage Notre-Dame. La science à l'œuvre (dir. Ph. Dillmann, P. Liévaux, A. Magnien et M. Regert, Paris, 2022), cette séance présentera ce chantier scientifique, souvent moins connu que le chantier de restauration lui-même, les modalités de sa mise en place et de son fonctionnement et les résultats obtenus, notamment concernant la matérialité du monument, qui était encore relativement méconnu, mais aussi des domaines aussi différents que l'acoustique ou l'anthropologie de l'émotion patrimoniale. Elle éclairera également la dimension fortement collaborative du projet, mêlant les corps de métiers, les institutions et les disciplines scientifiques au service d'une saisie globale de l'objet patrimonial.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2024-2025
Séminaire - Notre-Dame de Paris, la cathédrale des savoirs. Entre matérialité et interdisciplinarité
Les deux corps de Notre-Dame de Paris, introduction générale
Patrick Boucheron & Étienne Anheim
Résumé
Deux cathédrales ont brûlé en même temps le 15 avril 2019 : celle qui fut fondée en 1163 par l'évêque Maurice de Sully, et celle qu'on ne cesse de reconstruire par l'imaginaire depuis le XVIIIe siècle. Par un paradoxe archéologique bien connu, la destruction peut être le préalable à la connaissance : le chantier scientifique qui accompagne la restauration de l'édifice produit donc un effet de révélation sur des structures médiévales mal connues — on comprend bien de ce point de vue l'inanité du concept même de « restauration à l'identique ». Ces structures sont archéologiques, mais elles sont aussi culturelles, politiques et sociales. Voici pourquoi la « cathédrale des savoirs » ainsi mise à jour est aussi celle que construisent et reconstruisent nos imaginaires contemporains. En sauvant le passé, on en mesure l'épaisseur — c'est-à-dire tout ce qui s'est passé entre le Moyen Âge et nous.
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Séminaire organisé avec le concours du musée de Cluny-Musée national du Moyen Âge. Avec Étienne Anheim (directeur d'études à l'EHESS), Damien Berné (conservateur en chef au musée de Cluny) et Séverine Lepape (conservatrice générale, directrice du musée de Cluny).
Débuté immédiatement après l'incendie du 15 avril 2019, le chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris a été l'occasion de découvertes majeures, d'autant plus importantes que la cathédrale demeurait paradoxalement mal connue.
Accompagnant la progressive réouverture au public de la cathédrale, le musée de Cluny lui consacrera deux expositions à partir du 19 novembre 2024, l'une sur la sculpture médiévale, l'autre sur la bibliothèque. Dans ce contexte d'émotion patrimoniale qui rappelle la place centrale de la cathédrale non seulement dans l'architecture urbaine, mais aussi dans l'organisation sociale, religieuse et politique des villes médiévales, ce séminaire voudrait replacer Notre-Dame dans son histoire et montrer l'ampleur des nouvelles recherches conduites au cours des dernières années.
En effet, le chantier de restauration a été l'occasion d'un intense travail interdisciplinaire, associant une grande diversité d'acteurs scientifiques issus des institutions patrimoniales, mais aussi de l'université et de la recherche. Entre matérialité et interdisciplinarité, cette nouvelle cathédrale de savoirs sera au cœur de ce séminaire.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Les littératures du réveil. Pour une histoire médiévale de la conscience politique
Séminaire - Émilie Rosenblieh et Jean-Baptiste Brenet : Des Dialogues pour débattre. Une saisie des enjeux politiques dans l'Église
Émilie Rosenblieh
Université de Franche-Comté
Jean-Baptiste Brenet
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Les littératures du réveil. Pour une histoire médiévale de la conscience politique
Séminaire - Damien Boquet et Zrinka Stahuljak : L'homosexualité amoureuse : une histoire empêchée ?
Zrinka Stahuljak
Professeure de littérature médiévale en littérature comparée et française, Université de Californie à Los Angeles (UCLA), États-Unis
Damien Boquet
Aix-Marseille université
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Les littératures du réveil. Pour une histoire médiévale de la conscience politique
Séminaire - Jean-Claude Schmitt et Marlène Béghin : Des rêveurs. Anthropologie historique des états de conscience
Jean-Claude Schmitt
EHESS
Marlène Béghin
EPHE
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Les littératures du réveil. Pour une histoire médiévale de la conscience politique
Séminaire - Laëtitia Tabard et Daisy Delogu : La poésie de deuil du XVe siècle : larmes de l'amour, cris de la cité
Daisy Delogu
Professeure de littérature française, Université de Chicago
Laëtitia Tabard
Université du Mans
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Conférence - Daisy Delogu : La figure du « serf » dans l'imaginaire de la fin du Moyen Âge
Daisy Delogu
Professeure de littérature française, Université de Chicago
Daisy Delogu est invitée par l'assemblée du Collège de France sur proposition du Pr Patrick Boucheron.
Résumé
La conférence mettra en conversation des sources poétiques (le Roman de la Rose, des poèmes et dits de Guillaume de Machaut, des poèmes de Philippe de Vitry et de Pierre d'Ailly) et politiques (notamment les traductions de Nicole Oresme de l'œuvre dite « morale » d'Aristote) afin de cerner l'imaginaire culturel qui se développe autour du « serf ». Défini comme tel selon des critères moraux, légaux, amoureux, politiques, ou économiques, le « serf » en tant que catégorie s'avère profondément instable, désignant moins une identité fixe qu'une condition toujours en devenir ; on peut être « serf » en raison de ses attachements, de la nature de ses obligations, ou des opérations du pouvoir (ou des pouvoirs) auquel un individu se trouve soumis. Ainsi le « serf » serait capable de figurer la conscience d'une précarité qui hante les écrivains de la fin du Moyen Âge et qui n'est pas sans rapport, nous suggérons, avec notre société actuelle.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Les littératures du réveil. Pour une histoire médiévale de la conscience politique
Séminaire - Hugo Óscar Bizzari et Joël Blanchard : Après le songe. Le réveil du rêve Trastamare chez Pero López de Ayala
Hugo Óscar Bizzari
Université de Fribourg
Joël Blanchard
Université du Mans
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Les littératures du réveil. Pour une histoire médiévale de la conscience politique
Séminaire - Patrick Boucheron et François Foronda : Comment se réveiller politiquement ? Autour d'Alain Chartier, tentative de définition d'un genre
Patrick Boucheron
Professeur du Collège de France
François Foronda
université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
12 - Politiques de l'amour : Au XVIe siècle, la fin de l'amour
Résumé
L'amour politique de la fin du Moyen Âge ne peut-il s'appréhender qu'à rebours du désenchantement de la modernité ? On s'attache, lors de cette dernière séance, à la figure de Marguerite de Navarre, notamment à partir de la lecture de Lucien Febvre dans Amour sacré, amour profane (1944). Refusant ce qu'il appelait « l'hypothèse de la duplicité », l'historien y tentait de comprendre comment cette reine avait pu être à la fois l'autrice du Miroir de l'âme pécheresse et de l'Heptaméron, et ce que cette apparente contradiction révélait d'un imaginaire politique de l'amour d'avant 1550. Lorsque les poètes de ce que l'on n'appelle pas encore la « Pléiade » lui rendent hommage, ils exaltent alors non plus la véhémence de l'amour mais la multiplicité des Amours, chantés par Ronsard. Ainsi passe-t-on des politiques de l'amour à la poétique des amours.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
11 - Politiques de l'amour : « Nul peuple n'a tant aimé ses rois » (XIVe-XVe siècles)
Résumé
C'est dans l'avant-propos à son Histoire de la Révolution française que Michelet évoque ce « trait singulier de la France », dont le peuple n'aurait compris la politique que « comme dévouement et amour ». À la fin du XXe siècle encore, l'histoire politique de la fin du Moyen Âge en faisait sa doctrine. Mais de quel amour peut-on aimer ses rois ? Une enquête dans la littérature doctrinale, mais aussi dans les actes de la pratique permet de mieux définir cette rhétorique de l'ordo politicus où se nouent amour naturel et sentiment national. Une comparaison entre la France et la Castille permet de mettre en avant la prééminence d'un modèle parental dans cette injonction à aimer la patrie comme on aime le roi, parce qu'il est le père du peuple.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
10 - Politiques de l'amour : Les révoltes de l'obscène (XIVe-XVe siècles)
Résumé
Peut-on échapper à la censure et à l'autorité en se « réalisant sexuellement », ou en en parlant librement ? En 1975, au moment où Pier-Paolo Pasolini écrivait son poignant « j'abjure la Trilogie de la vie », Michel Foucault mettait en doute cette « l'hypothèse régressive ». C'est dans ce contexte d'une libération sexuelle à la fois affirmée et désenchantée que doit être compris le succès public du Montaillou d'Emmanuel Le Roy Ladurie. Mais une relecture des registres de Jacques Fournier, en regard des fabliaux et autres contes érotiques issus de la révolution narrative de Boccace, permet de reconsidérer les rapports entre violence et dérision et, partant, de redéfinir la portée politique de ces révoltes de l'obscène.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
09 - Politiques de l'amour : Les amoureux du bien public (XIIIe-XIVe siècles)
Résumé
Du dolce stil nuovo envisagé comme exercice collectif d'une poésie du savoir à la métaphysique de l'amour déployée dans la Commedia, Dante n'a jamais cessé de « penser amoureusement ». Cette conjonction entre l'expérience amoureuse et la doctrine de l'intelligence peut être décrite de manière hautement spéculative. Tout en rendant compte de ses enjeux philosophiques, on tente ici de la ramener à ses conséquences sur l'organisation politique : comment penser et agir ensemble en contexte communal ? Si les citoyens y sont liés par des amitiés obligeantes, c'est d'abord à leurs dirigeants d'aimer la justice.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
08 - Politiques de l'amour : Décoder l'amour courtois (XIIe-XIIIe siècles)
Résumé
Rédigé dans le dernier quart du XIIe siècle, le De amore d'André le Chapelain fut longtemps considéré comme le code de l'amour courtois. S'interrogeant sur la notion même de code amoureux pour caractériser un mouvement littéraire et un style de vie, on entreprend d'en déchiffrer l'interprétation, en prêtant attention à l'histoire de sa transmission jusqu'à la fin du XIIIe siècle, mais aussi à celle des équivoques de lectures et des censures que suscitent son dialogisme et son ironie. On contribue ainsi à le décoder, au sens où sa valeur normative est remise en cause, en faveur d'une lecture plus sociale de son fonctionnement politique, entre l'école et la cour, l'Église et le roi, mais aussi entre la « mouvance » de Troyes (où Chrétien de Troyes n'est peut-être qu'un « nom de code ») et la capitale capétienne.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
07 - Politiques de l'amour
Résumé
Dans cette deuxième partie du cours, on cherche désormais à scander, de manière chronologique, une histoire des pouvoirs au prisme des langages de l'amour. Aux XIe-XIIe siècles, ceux-ci parviennent à reformuler de manière plus affective l'amitié politique. De cette emprise féodale, où aimer apprend à servir, et où la domination s'enchante en dépendance honorable, la lyrique occitane est peut-être le laboratoire textuel. En s'attachant en particulier aux premières formulations de l'art des troubadours (et notamment des cansos de Guillaume IX d'Aquitaine), on s'attache à redéfinir la consistance politique de cette société féodale, entre rivalité, subjectivité et sujétion.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
06 - Politiques de l'amour : En attendant Valentin
Résumé
La poésie amoureuse de la Saint-Valentin est une tradition littéraire qui s'est d'abord exprimée à la fin du XIVe siècle, dans l'Angleterre du règne de Richard II. En suivre les transformations jusqu'à Shakespeare et Thomas Hardy et aux « valentinages » des sociétés rurales traditionnelles permet de pose à nouveau frais la question de l'acculturation culturelle des modèles courtois. Mais ceux-ci doivent aussi se comprendre dans une dimension plus strictement politique, mettant en jeu les notions d'élection et de délibération, de Chaucer à Christine de Pisan.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
05 - Politiques de l'amour : « Et le roi de France l'aimait comme son âme »
Résumé
En 1187, Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste manifestèrent leur joie de se retrouver avec des marques si spectaculaires d'affectivités que le roi Henri II se déclara « profondément étonné par l'amour véhément qui existait entre eux et se demandait ce qu'il pouvait signifier ». La lecture rapprochée de cet épisode narré par le chroniqueur Roger de Howden permet de poursuivre le travail de l'interprétation, en se demandant si les codes de l'amour aristocratique ne se laisse pas parfois déborder par d'autres formes d'amitié, et en posant la question des rapports entre norme sexuelle et subjectivité. Peut-être n'ordonne-t-on pas sans danger un système politique par le langage de l'amour.
Sommaire
Organe de la parole et fonction du langage : dedans, dehors (Martin Rueff, Au bout de la langue, Paris, 2024)
Vellicare linguam : du Livre des baisers de Jean Second (1541) à Belle du Seigneur d'Albert Cohen (1968), « langues en combat, mêlées de tendre haine »
Tirer la langue, couper la parole (Robert Jacob, « Bannissement et rite de la langue tirée au Moyen Âge », Annales ESC, 2000)
Le genre des grammairiens et celui de la nature (Jan Ziolkowski, Alan of Lille's Grammar of Sex, Cambridge, 1985)
Joindre ses lèvres, transmettre le souffle (Yannick Carré, Le Baiser sur la bouche au Moyen Âge. Rites, symboles, mentalités. XIe-XVe siècles, Paris, 1992)
Mourir d'amour entre chevaliers (Alain Bray, The Friend, Chicago, 2006)
Toujours au bord de la falaise : Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste en 1187 (Stephen Jaeger, The Ennobling Love: In Search of a Lost Sensibility, Philadelphie, 1999)
« Il l'a tant honoré, et si longtemps, qu'ils prenaient chaque jour leurs repas à la même table et dans le même plat, et le soir le lit ne les séparait pas »
La table, le lit et la privauté : historiciser chaque objet de la scène
Si l'amour ennoblit, de quoi s'inquiète Henri II ? Intrigues familiales entre Plantagenêts et Capétiens
Quand l'un boit la tasse, l'autre accumule les prouesses : hiérarchie féodale et gloire courtoise
Et in lectibus non seperabat eos lectus : l'exploit chevaleresque d'un amour intensément empêché
On n'ordonne pas sans danger un système politique par le langage de l'amour
Que signifie « faire drüerie » ? (John Baldwin, Les Langages de l'amour au temps de Philippe Auguste, Paris, 1997)
« Souviens-toi de la chute de Sodome » : Richard Cœur de Lion, au bord du roman chevaleresque
Sur l'imputation d'homosexualité (William Burgwinkle, Sodomy, Masculinity and Law in Medieval Literature: France and England, 1050-1230, Cambridge, 2004)
« Fatigués mais pas rassasiés » : une perfidie de Richard de Devizes (Michèle Brossard-Dandré et Gisèle Besson, Richard Cœur de Lion. Histoire et légende, Paris, 1989)
Quand une fiction politique s'immisce dans la chronique (Jacques Rancière, Les Bords de la fiction, Paris, 2017)
« L'unanimité sereine des chroniqueurs » et l'hypothèse d'une « sous-culture gay » (John Boswell, Christianisme, tolérance sociale et homosexualité. Les homosexuels en Europe occidentale, des débuts de l'ère chrétienne au XIVe siècle, Paris, 1985)
Troubler la périodisation et dénoncer la « fiction de la morale judéo-chrétienne » : malgré l'essentialisation, le soutien critique de Michel Foucault
Sexualité, exigence de vérité et subjectivité (Damien Boquet, « L'amitié comme problème au Moyen Âge », dans Une histoire au présent : Les historiens et Michel Foucault, Paris, 2013)
Contre « l'instance du sexe », de nouvelles dispositions des corps et des plaisirs
Sodomie et sentiment : où est le véritable scandale ? (Damien Boquet, « Sentiment amoureux et homosexualité au XIIe siècle : entre dilemme et malédiction », dans Vivre dans la différence, Avignon, 2007)
L'amour des hommes entre eux et l'universel de l'amour (Mathieu Riboulet, « À contretemps, décidément », Monstre, 2010)
Dilexit eum rex quasi animam suam : du triangle Henri II-Richard Cœur de Lion-Philippe Auguste à Saül-Jonathan-David (Stephen Jaeger, « L'amour des rois : structure sociale d'une forme de sensibilité aristocratique », Annales ESC, 1991)
L'ami comme « autre soi-même » : de l'amitié délectable à la passion mesurée (Bénédicte Sère, Penser l'amitié au Moyen Âge. Étude historique des commentaires sur les livres VIII et IX de l'Éthique à Nicomaque (XIIIe-XVe siècles), Turnhout, 2007)
Amitiés cicéroniennes et affections du politique (Régine Le Jan, Amis ou ennemis ? Émotions, relations, identités au Moyen Âge, Paris, 2024)
« Car je t'étreignais, frère bien-aimé, non de corps mais de cœur. Je t'embrassais non par contact des lèvres mais par un affect de l'âme » (Damien Boquet, L'ordre de l'affect au Moyen Âge. Autour de l'anthropologie affective d'Aelred de Rievaulx, Caen, 2005)
« Être ami, c'est être deux fois » : Montaigne, Étienne de la Boétie, Marie de Gournay.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
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Année 2023-2024
Politiques de l'amour
04 - Politiques de l'amour : La noblesse des sentiments
Résumé
Si l'amour est le roman de fondation de l'Occident, il en exprime les hantises politiques bien davantage que l'assurance de son édification morale. C'est le cas dans Belle du seigneur d'Albert Cohen, mais aussi, trente ans avant, dans L'Amour en Occident de Denis de Rougemont. On entreprend à partir de là une analyse du fole amor telle qu'il se déploie dans les différentes versions de Tristan et Iseut aux XIIe et XIIIe siècles, en s'interrogeant sur les déplacements qu'elles opèrent dans les trajectoires du désir entre l'amour, la mort et la guerre. De là un questionnement sur l'historicité des catégories de l'amour courtois, mais aussi sur la fonction anoblissante d'un sentiment à la fois intense et distancié.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
03 - Politiques de l'amour : Sur l'air de ne pas y toucher
Résumé
L'amour dans le mariage repose-t-il sur un partage entre le charnel et le spirituel, ce qui supposait que la femme puisse se donner à son époux « sans aucun frémissement de l'âme » (Georges Duby) ? Malgré les efforts des moralistes, le Moyen Âge éprouva l'impossibilité de cette séparation, comme l'atteste la vogue des commentaires du Cantique des cantiques, du XIIe au XVIe siècle, où la volonté de déplacement allégorique du désir ne fait jamais taire la véhémence de l'amour. On en étudie certains motifs, guidé par la notion d'expérience résultant de l'effort exégétique, en s'intéressant moins au sens caché qu'à son effet anthropologique et social. Car de l'expulsion du jardin d'Éden à l'intériorisation d'un jardin clos érotisé, le corps y apparaît bien comme le lieu du nouage entre poétiques et politiques de l'amour.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
02 - Politiques de l'amour : Trouble dans la charité
Résumé
Dans l'Andalousie du XIe siècle, et face à l'effondrement de l'empire, Ibn Hazm pense en même temps la division politique et la dissension amoureuse. Car l'amour est une fitna, et un « secret replié » réside dans les mots qui le disent, ou qui échouent à le dire. On discute la puissance et les limites d'une historiographie de la domination ecclésiale qui fait de l'opposition entre caro et spiritus la matrice analogique de la société chrétienne. Car l'ambivalence niche toujours au cœur du lexique de l'amour en empêchant de séparer la part érotique de l'amour charitable, sinon par un effort moral qui intéresse assurément l'Église, mais sans doute moins l'histoire.
Patrice Boucheron
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Collège de France
Année 2023-2024
Politiques de l'amour
Du XIIe au XVIe siècle, d'une réforme à l'autre, mais aussi d'une renaissance à l'autre, les langages de l'amour investissent massivement les littératures européennes. Ne constituent-ils pas de ce fait la langue commune du politique, définissant de manière affective les rapports sociaux, entre convoitise et révérence, ferveur et vénération ? En tentant de comprendre ce qu'aimer veut dire au Moyen Âge, le cours de cette année mettra l'histoire de la subjectivité politique à l'épreuve des nouvelles approches historiographiques en matière de genre, d'émotions et de sexualité. Et ce par l'exploration de nouveaux corpus documentaires éclairant l'articulation entre arts de gouverner et arts d'aimer, la politisation du sentiment amoureux étant envisagée comme matrice des littératures du réveil de l'engagement politique.
01 - Politiques de l'amour : L'amour après la peste
Résumé
De l'épidémie au mal d'amour, l'une et l'autre sans remède, circule un même imaginaire de la contamination et de la fascination. C'est à l'étudier dans les doctrines et les langages de l'amour médiéval qu'est consacrée cette première séance introductive, pour placer l'objet d'étude entre fantasmes et fantaisies, mais aussi entre fictions et expériences politiques. Cet intérêt pour la métaphysique de l'amour ne doit pas éloigner d'une exigence d'histoire sociale. Aussi s'attache-t-on à comprendre cette thématique du regard amoureux à travers des textes (Guillaume de Machaut), des épisodes (le « coup de foudre » de Charles VI pour Isabeau de Bavière en 1385) et des images (les descchi da parto), comme ordo amoris et comme force d'effraction.
Sommaire
La peste, après la peste, l'amour après la peste : retour sur Guillaume de Machaut et Machiavel
Pendant la peste, contre la peste, avant la peste : l'incendie d'un cœur amoureux, vrai prologue du Decameron
Qu'est-ce que l'obscène ? Le retournement grotesque du dispositif boccacien
Le sexe, l'effroi et le fascinus : les Priapées d'Arthur Forgeais (Zrinka Stahuljak, L'Archéologie pornographique. Médecine, Moyen Âge et histoire de France, 2018)
Moralisme des anciens, moralisme des modernes : pour une histoire sociale et inclusive des politiques de l'amour
Dante et l'ordo amoris : la métaphysique de l'amour comme principe universel du mouvement
Pourquoi tomber amoureux ? Thomas d'Aquin et la force d'amour : « être attiré vers ce qui agit sur nous »
Il n'y a pas de remède à l'amour : amor hereos et fascinatio de Constantin l'Africain à Marsile Ficin (Aurélien Robert, « Fascinatio », dans Mots médiévaux offerts à Ruedi Imbach, 2011)
Gabriel Garcia Marquez, L'Amour au temps du choléra : la contamination du mal d'amour
De la physiologie à la phénoménologie de l'amour : le plus intense des vécus de conscience
« L'acte d'un regard qui se rend à un autre regard en une commune insubstituabilité » (Jean-Luc Marion, Prolégomènes à la charité, 1983)
Histoire d'un regard : le « coup de foudre » de Charles VI pour Isabeau de Bavière en 1385 (Paris 1400. Les arts sous Charles VI, 2004)
Histoire de l'œil : l'effraction du désir (Michael Camille, L'Art de l'amour au Moyen Âge. Objets et sujets du désir, 2000)
Histoire d'une idole : le Livre du Voir Dit de Guillaume de Machaut, simulacre (Jacqueline Cerquiglini-Toulet éd., 1999) et claustration (Alain Corbellari, dans Le Moyen Âge, 2022)
Histoire d'un objet : Vénus vénérée sur un plateau d'accouchée, vulnérable dans son triomphe (Christiane Klapisch-Zuber, Mariages à la florentine. Femmes et vie de famille à Florence (XIVe-XVe siècle), 2020)
Les littératures du réveil : arts de gouverner et arts d'aimer
Le « réveil d'Entendement » d'Alain Chartier et Le Débat de réveille matin
« Avoir la puce à l'oreille » : qu'entendre par là ? (Emma Cayley, Debate and Dialogue: Alain Chartier in his Cultural Context, 2003)
Veille, vigilance et antécédence (Jean-Baptise Brenet, Demain la veille, 2023)
Fictions, fantasmes ou fantaisies ? (Barbara Rosenwein, Love. Histoire d'un sentiment, 2023)
Puritanisme, pornographie, sentimentalisme : deux livres de 1977 (Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux ; Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut, Le Nouveau Désordre amoureux)
Les luttes féministes et la repolitisation de l'intime (À propos d'amour de Bell Hooks, 2022)
Actualité et inactualité des politiques de l'amour : quand « les mots font l'amour » (Raymond Queneau, Les Fleurs bleues, 1965).
Patrice Boucheron
Collège de France
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Année 2022-2023
Conférence - David Nirenberg : Antijudaism, Critical Thought, and the Possibility of History
Intervenant(s)
David Nirenberg, Director and Leon Levy Professor, Institute for Advanced Study, Princeton
Conférence en anglais, organisée en collaboration avec le LEM (Laboratoire d'étude sur les monothéismes, UMR 8584).
In my book Antijudaïsme (Labor et Fides, 2023), I proposed that we should understand the long history of Anti-Judaism not merely as the history of a prejudice, but also as the history of our Western religions (such as Christianity and Islam), philosophies (such as Idealism and Marxism), ethics and ideals. If this is true, then how can we be sure that our critical thought is truly critical? And how can we write history that helps us achieve the capacity to critique Anti-Judaism in the present, rather than reproducing it?
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2021-2022
La peste noire
Résumé
Prenant la suite du cours de l'année précédente (« La peste noire »), ainsi que des trois journées d'études qui l'ont accompagné (« Nouvelles recherches sur la peste noire »), l'enseignement de cette année tentera d'en tirer toutes les conséquences du point de la narrativité du récit historique et de ses causalités. Plongeant dans la mémoire archivistique et textuelle de l'événement (la peste noire entre 1347 et 1352, entendue comme le moment paroxystique de la deuxième pandémie de peste), mais aussi dans les archives du vivant comme dans toutes celles que met désormais à disposition les sciences de l'environnement, la réflexion de l'année dernière a fait subir au récit traditionnel différents débordements disciplinaires. Dès lors se pose la question du point de vue : à quelle hauteur raconter cette histoire à la fois globale et discontinue ?
C'est en convoquant à nouveaux frais les recherches sur la conjoncture politique, économique et sociale, mais aussi spirituelle et religieuse du temps de peste que nous tenterons de répondre à cette question. Elle embrasse à la fois des questions que l'historiographie se pose depuis longtemps (la crise de la fin du Moyen Âge, son rapport avec la réorganisation des pouvoirs publics) et d'autres plus récents, relatifs notamment aux paysages et à l'habitat, à l'environnement d'une manière générale, à l'histoire non seulement démographique mais sanitaire des populations survivantes. Elle propose de saisir toute cette histoire non seulement après ou d'après la peste, mais depuis elle, comme événement, comme durée et comme temporalité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
À partir de l'analyse croisée du Jugement du roi de Navarre de Guillaume de Machaut, du Decameron de Boccace et de la correspondance de Pétrarque, cette dernière leçon tente de rassembler les acquis du cours autour de la question de l'agencement du temps. On y rencontre ce que l'on attendait (le rapport entre la calamité et le feu du récit), mais aussi ce que l'on n'attendait pas (la question de l'émancipation féminine et l'énigme de la violence antisémite). Avec toujours la même question : s'il y a bien un monde d'après la peste, se dit-il après elle ou d'après elle ?
Sommaire
Qu'avons-nous entendu ? Le bruit sourd de la tempête épidémique (« Si que ces tempestes cesserrent… », Guillaume de Machaut, Le Jugement du roi de Navarre, ensemble Gilles Binchois, dit par Jean-Paul Raccodon, 2001)
Peste est le nom de ce que contre quoi on ne résiste pas
La mélancolie de Guillaume de Machaut, « poésie de la tension, de l'accord et du désaccord » (Jacqueline Cerquiglini-Toulet, "Un engin si soutil". Guillaume de Machaut et l'écriture au XIVe siècle, Paris, 2001)
« Ce fu des orribles merveilles » : prologue apocalyptique et service du prince (Dominique Boutet, « L'Éloge du Prince et l'expérience de la mélancolie. Réflexions sur les facteurs de cohérence du Jugement du roi de Navarre de Guillaume de Machaut », dans Id. et Jacques Verger dir., Penser le pouvoir au Moyen Âge (VIIIe‑XVe siècle). Études d'histoire et de littérature offertes à Françoise Autrand, Paris, 2000)
Des intentions politiques au fonctionnement poétique : la métafiction d'une ancienne affaire « mal taillée » (Robert Barton Palmer, « The metafictional Machaut: Self-reflexivity and Self-mediation in the two Judgment poems », Studies in the Literary Imagination, 20, 1987)
L'auctorialité débordée, ou comment Guillaume de Machaut peine à contrôler ses lecteurs (Deborah McGrady, Controlling readers: Guillaume de Machaut and his late Medieval audience, Toronto, University of Toronto press, 2006)
Guillaume de Machaut fut-il si discourtois ? Fictionner la fiction, refaire le procès (Laëtitia Tabard, « Contre-enquête au Moyen Âge : (re)faire le procès de Guillaume de Machaut », Premier symposium de critique policière. Autour de Pierre Bayard, 2017 : http://intercripol.org/fr/thematiques/critique-judiciaire/contre-enquete-au-moyen-age-re-faire-le-proces-de-guillaume-de-machautnew-page.html)
En 1349, tout est à refaire
L'entrée en guerre, la peste, et l'irruption du langage poétique : depuis l'Iliade, le roman de fondation de l'Occident
Boccace réécrit Thucydide, mais lui aussi a vu ce qu'il a vu
Annoter Le Decameron comme un texte de savoir (Enrica Zanin, « À la recherche de savoir. Les Marginalia dans les collections de nouvelles », dans Carine Roudière-Sébastien dir., Quand Minerve passe les monts. Modalités littéraires de la circulation des savoirs (Italie-France, Renaissance-XVIIe siècle), Pessac, 2020)
Boccace, la preservatio sanitatis et la culture médicale (Anne Robin, « Boccace et les médecins du Décaméron ». Chroniques italiennes, 2011)
La description de la peste à Florence, relevé d'une catastrophe révolue et mythe philosophique (Kurt Flasch, Poesia dopo la peste. Saggio su Boccaccio, Rome-Bari, 1994)
La tourmente épidémique allume le feu des récits
Derrière le frontispice de « l'horrible commencement », le prologue et l'incendie d'un cœur amoureux
De l'art de « n'être pas mort » quand quelque chose est mort en soi : le Decameron comme littérature de consolation
Mardi matin, Santa Maria Novella, « après bien des soupirs, cessant de dire des Pater, elles se mirent à converser de choses et d'autres touchant la nature de l'époque »
« Qu'attendons-nous ? À quoi rêvons-nous ? » Sept jeunes femmes et trois hommes : la fin du deuil, ou une révolte lente à venir
Alors c'est parti : Cat Power, « Black », Wanderer, 2018
La grande faucheuse et le charnier : en 1338, tout est déjà en place, visible dans l'Allégorie de la Rédemption d'Ambrogio Lorenzetti
L'acte de créer, résistance et honte d'être un homme (Gilles Deleuze, Abécédaire, « R comme Résistance », 1989)
Sur le palais qui couronne la colline, sacre de l'écrivain et compromissions politiques
« Quand soudain » : l'irruption des frères chartreux fait de Pétrarque le narrateur de la peste (Familières, XVI, 2)
Son frère, comme un modèle et un reproche : « pendant que mes visiteurs racontaient ces faits et bien d'autres de la sorte à ton sujet, l'évêque me regardait les yeux mouillés de larmes »
« L'année 1348 de ces temps ultimes fut pour nous une année de deuil. Nous savons maintenant qu'elle n'a été que le commencement de notre deuil… » (Pétrarque à Boccace, 7 septembre 1363, Lettres de vieillesse, III, 1)
L'année 1363, « la seizième depuis le début de nos malheurs » : la peste chez Pétrarque comme nouvelle ère
1348 est « un pli dans l'ordre du temps qui dédouble le monde » et institue l'œuvre à venir (Étienne Anheim, « Pétrarque ou l'écriture d'une vie », Séminaire à l'EHESS , 25 novembre 2020)
« Que faire maintenant, mon frère ? Voilà que nous avons déjà presque tout essayé et nous n'avons trouvé le repos nulle part. Quand l'attendre ? Où le chercher ? Le temps comme on dit a glissé entre nos doigts ; nos anciennes espérances ont été ensevelies avec nos amis. L'année 1348 a fait de nous des hommes esseulés et faibles » (Familères, I, 1)
La peste chez Pétrarque, « moment inaugural de la temporalité comme mobile » (Étienne Anheim)
Retour à Guillaume de Machaut et au Jugement du roi de Navarre : la peste n'ordonne pas le temps, mais le défait
Linéarité du dit, arche rythmique du motet : quand le temps se comprime mais ne se déroule pas
Le Tohu bohu archaïque des « orribles merveilles » du prologue de Guillaume de Machaut : tempêtes, fléaux et épidémies
Calamitas et maladie du calame : écrire l'épaisseur des catastrophes (Thomas Labbé, Les Catastrophes naturelles au Moyen Âge, Paris, 2017)
Sous la mortalitas, rien d'autre qu'une surmortalité
Un cri de haine dans un écrin de beauté : la « bête féroce » tapie dans le cantus firmus d'un motet de Guillaume de Machaut (Francesco Rocco Rossi, « Deux Cas paradigmatiques d'invective musicale dans la musique ancienne : "Fons totius superbiae/Livoris feritas/Fera pessima" de Guillaume de Machaut et "Sola caret monstris/Fera pessima" de Loyset Compère », dans Les Discours de la haine : Récits et figures de la passion dans la Cité, Villeneuve d'Ascq, 2009)
L'accusation antisémite, avant le déclenchement épidémique : ordre narratif et désordres politiques
Maintenir l'énigme comme énigme
Le printemps à la fenêtre de Guillaume de Machaut : qui nous préviendra qu'il faut se décamérer ? (Nathalie Koble, Décamérez ! Des nouvelles de Boccace, Paris, 2021)
Merci à la brigata, et salut.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
La recherche des causes de la peste, mais aussi l'expérimentation de remèdes susceptibles de soigner une maladie que l'on considère comme mortelle mais non incurable, met la médecine médiévale à l'épreuve de sa propre rationalité savante. Comment y intégrer cette contagion que l'on observe sans l'expliquer ? La transmission de la maladie est d'abord une métaphore de la contagion des péchés, rendant manifeste le pouvoir de l'imagination : voici pourquoi la compassio médiévale inspire des politiques qui ne sont pas toujours compassionnelles.
Sommaire
« Mortelle ou mortifère, contagieuse, ardente, cruelle… » : les épithètes de la peste de Maurice de La Porte en 1571 (Véronique Montagne, « Le Discours didascalique sur la peste dans les traités médicaux de la Renaissance : rationaliser et/ou inquiéter », Réforme, Humanisme, Renaissance, 2010)
« Aspre, noire, charbonneuse… » : depuis quand la peste est-elle noire ? (Jon Arrizabalaga, « Facing the Black Death: perceptions and reactions of university medical practitioners », dans Roger French, Jon Arrizabalaga, Andrew Cunningham et Luis García-Ballester dir., Practical Medicine from Salerno to the Black Death, Cambridge, 1994)
Peste noire et peur bleue en 1832 (Justus Hecker, Der schwarze Tod im vierzehnten Jahrhundert: Nach den Quellen für Ärzte und gebildete Nichtärzte bearbeitet, Berlin, 1832)
Du rouge au noir, le mauvais sang de la mélancolie (Marie-Christine Pouchelle, « Les appétits mélancoliques », Médiévales, 1983)
Avec le corps pour écran et pour tombeau : diagnostic, pronostic et sémiologie médicale
Histoires de la douleur, des premiers symptômes à l'apparition des bubons
À la recherche du signum mortis : « le mouvement de la mort n'est pas aussi certain que celui de la vie (Bernard de Godon, Liber pronosticorum, 1295, cité par Danielle Jacquart, « Le Difficile Pronostic de mort (XIVe- XVe siècles) », Médiévales, 2004)
La médecine médiévale fut-elle honteuse ? Régimes de rationalités et diversité textuelle des Pestschiften (Karl Sudhoff)
Le Traité sur les fièvres pestilentielles et autres formes de fièvres d'Abraham Caslari (Ron Barkai, « Jewish Treatise on the Black Death (1350-1500): A Preliminary Study », dans Roger French, Jon Arrizabalaga, Andrew Cunningham et Luis García-Ballester dir., Medicine from the Black Death to the French Disease, Londres, 1998)
'Eliyahu ben 'Avraham à la cour de Sélim 1er à Constantinople et la médicalisation des savoirs politiques sur la peste dans l'Empire ottoman (Nükhet Varlik, Plague and Empire in the Early Modern Mediterranean World. The Ottoman Experience, 1347-1600, Cambridge, 2015)
Écrire avant, pendant et après la peste : le manuscrit latin 111227 de la BnF et le Compendium de epidemia de la Faculté de médecine de Paris (Danielle Jacquart, La Médecine médiévale dans le cadre parisien, XIVe-XVe siècle, Paris, 1998)
« À la vue des effets dont la cause échappe à la perspicacité des meilleures intelligences, l'esprit humain tombe dans l'étonnement » (Compendium de epidemia, 1348)
Les limites de la raison médicale face aux « effets merveilleux » d'une maladie mortelle, mais non incurable
La conjonction astrale de 1345, remota causa de la pestilence
Recours à l'astrologie et inflexion alchimique du discours médical : une défaite de la raison ? (Nicolas Weill-Parot, « La rationalité médicale à l'épreuve de la peste : médecine, astrologie et magie (1348-1500) », Médiévales, 2004)
Du bon usage thérapeutique de la richesse : or potable et pierres précieuses
Air vicié, venin et contrepoison (Nicolas Weill-Parot, « Des rationalités en concurrence ? Empirica magiques et médecine scolastique », Anuario de Estudios Medievales, 2013)
Ventouser, scarifier, cautériser : l'incision des bubons dans la Grande Chirurgie de Guy de Chauliac (1363)
La recette du jeune poulet au croupion déplumé (Jacme d'Agramont, Regiment de preservacio de pestilencia, 1348)
Empirica, experimenta ou secreta ? Longévité, obstination et créativité d'une « expérience de papier » (Erik A. Heinrichs, Erik Heinrichs, « The Live Chicken Treatment for Buboes: Trying a Plague Cure in Medieval and Early Modern Europe », Bulletin of the History of Medicine, 2017)
« Pourquoi certaines maladies rendent-elles malades ceux qui s'approchent alors que personne n'est guéri par la santé ? » (Problemata, VII, 4)
La compassion et le pouvoir de l'imagination (Béatrice Delaurenti, La Contagion des émotions. Compassio, une énigme médiévale, Paris, 2016)
Dispositio morbida et forme spécifique, ou comment intégrer l'inexpliqué de la contagion humaine dans le système explicable des humeurs
Cette « effrayante maladie qui nous envahit » : Gentile da Foligno, du commentaire du Canon d'Avicenne au Consilia contra pestilentiam (Joël Chandelier, Avicenne et la médecine en Italie. Le Canon dans les universités (1200-1350), Paris, 2017)
« Si on nous demande : comment nous en remettre à la théorie de la contagion (da'wa-l-adwa) quand la loi nie cela, nous répondons : l'existence de la contagion est solidement établie par l'expérience, par l'étude, par la perception, par la constatation et par la fréquence des données. Ce sont les éléments de la preuve » (Ibn al-Hatib, Celle qui convainc le poseur de questions sur la maladie terrifiante, 1348, cité par François Clément, « À propos de la Muqni'at al-sa'id d'Ibn al-Hatib sur la peste à Grenade en 1348-1349 », dans Id., dir., Epidemies, épizooties. Des représentations anciennes aux approches actuelles, Rennes, 2017)
Médecine arabe et refus des formes magiques de la contagion (Justin Stearns, Infectious ideas. Infectious ideas. Contagion in Premodern Islamic and Christian Thought in the Western Mediterranean, Baltimore, 2011)
La souillure, la tâche et l'infection : seuls les péchés sont contagieux (Aurélien Robert, « Contagion morale et transmission des maladies : histoire d'un chiasme (XIIIe-XIXe siècle) », Tracés, 2011)
Pourquoi faut-il isoler les lépreux ? Le morbus contagiosus de la maladie et la macule du péché (Maaike van der Lugt, « Les maladies héréditaires dans la pensée scolastique », dans L'Hérédité entre Moyen Âge et époque moderne, Florence, 2008)
Pollution, contagion, scandale (Arnaud Fossier, « La contagion des péchés (XIe-XIIIe siècle) », Tracés, 2011)
Le mauvais œil, la maladie d'amour et le pouvoir des femmes (Mary F. Wack, Lovesickness in the Middle Ages. The "Viaticum" and Its Commentaries, Philadelphie, 1990)
Amour, altération de l'esprit, mélancolie : « La contagion de l'amour s'opère facilement et devient la peste la plus grave de toute » (Marsile Ficin, Commentaire sur le Banquet de Platon, VII, 5, 1469)
Girolamo Fracastoro et le De Contagione et contagionis Morbis (1546) : une fausse rupture naturaliste
Pharmacie médiévale de la peste et pharmakon
« Cette langue qui halète, énorme et grosse, d'abord blanche, puis rouge, puis noire, et comme charbonneuse et fendillée… » (Antonin Artaud, Le Théâtre de la peste, 1938)
De la métaphore meurtrière en régime analogique : quand le langage s'affole, la violence peut commencer à s'exercer.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
La recherche des causes de la peste, mais aussi l'expérimentation de remèdes susceptibles de soigner une maladie que l'on considère comme mortelle mais non incurable, met la médecine médiévale à l'épreuve de sa propre rationalité savante. Comment y intégrer cette contagion que l'on observe sans l'expliquer ? La transmission de la maladie est d'abord une métaphore de la contagion des péchés, rendant manifeste le pouvoir de l'imagination : voici pourquoi la compassio médiévale inspire des politiques qui ne sont pas toujours compassionnelles.
Sommaire
« Mortelle ou mortifère, contagieuse, ardente, cruelle… » : les épithètes de la peste de Maurice de La Porte en 1571 (Véronique Montagne, « Le Discours didascalique sur la peste dans les traités médicaux de la Renaissance : rationaliser et/ou inquiéter », Réforme, Humanisme, Renaissance, 2010)
« Aspre, noire, charbonneuse… » : depuis quand la peste est-elle noire ? (Jon Arrizabalaga, « Facing the Black Death: perceptions and reactions of university medical practitioners », dans Roger French, Jon Arrizabalaga, Andrew Cunningham et Luis García-Ballester dir., Practical Medicine from Salerno to the Black Death, Cambridge, 1994)
Peste noire et peur bleue en 1832 (Justus Hecker, Der schwarze Tod im vierzehnten Jahrhundert: Nach den Quellen für Ärzte und gebildete Nichtärzte bearbeitet, Berlin, 1832)
Du rouge au noir, le mauvais sang de la mélancolie (Marie-Christine Pouchelle, « Les appétits mélancoliques », Médiévales, 1983)
Avec le corps pour écran et pour tombeau : diagnostic, pronostic et sémiologie médicale
Histoires de la douleur, des premiers symptômes à l'apparition des bubons
À la recherche du signum mortis : « le mouvement de la mort n'est pas aussi certain que celui de la vie (Bernard de Godon, Liber pronosticorum, 1295, cité par Danielle Jacquart, « Le Difficile Pronostic de mort (XIVe- XVe siècles) », Médiévales, 2004)
La médecine médiévale fut-elle honteuse ? Régimes de rationalités et diversité textuelle des Pestschiften (Karl Sudhoff)
Le Traité sur les fièvres pestilentielles et autres formes de fièvres d'Abraham Caslari (Ron Barkai, « Jewish Treatise on the Black Death (1350-1500): A Preliminary Study », dans Roger French, Jon Arrizabalaga, Andrew Cunningham et Luis García-Ballester dir., Medicine from the Black Death to the French Disease, Londres, 1998)
'Eliyahu ben 'Avraham à la cour de Sélim 1er à Constantinople et la médicalisation des savoirs politiques sur la peste dans l'Empire ottoman (Nükhet Varlik, Plague and Empire in the Early Modern Mediterranean World. The Ottoman Experience, 1347-1600, Cambridge, 2015)
Écrire avant, pendant et après la peste : le manuscrit latin 111227 de la BnF et le Compendium de epidemia de la Faculté de médecine de Paris (Danielle Jacquart, La Médecine médiévale dans le cadre parisien, XIVe-XVe siècle, Paris, 1998)
« À la vue des effets dont la cause échappe à la perspicacité des meilleures intelligences, l'esprit humain tombe dans l'étonnement » (Compendium de epidemia, 1348)
Les limites de la raison médicale face aux « effets merveilleux » d'une maladie mortelle, mais non incurable
La conjonction astrale de 1345, remota causa de la pestilence
Recours à l'astrologie et inflexion alchimique du discours médical : une défaite de la raison ? (Nicolas Weill-Parot, « La rationalité médicale à l'épreuve de la peste : médecine, astrologie et magie (1348-1500) », Médiévales, 2004)
Du bon usage thérapeutique de la richesse : or potable et pierres précieuses
Air vicié, venin et contrepoison (Nicolas Weill-Parot, « Des rationalités en concurrence ? Empirica magiques et médecine scolastique », Anuario de Estudios Medievales, 2013)
Ventouser, scarifier, cautériser : l'incision des bubons dans la Grande Chirurgie de Guy de Chauliac (1363)
La recette du jeune poulet au croupion déplumé (Jacme d'Agramont, Regiment de preservacio de pestilencia, 1348)
Empirica, experimenta ou secreta ? Longévité, obstination et créativité d'une « expérience de papier » (Erik A. Heinrichs, Erik Heinrichs, « The Live Chicken Treatment for Buboes: Trying a Plague Cure in Medieval and Early Modern Europe », Bulletin of the History of Medicine, 2017)
« Pourquoi certaines maladies rendent-elles malades ceux qui s'approchent alors que personne n'est guéri par la santé ? » (Problemata, VII, 4)
La compassion et le pouvoir de l'imagination (Béatrice Delaurenti, La Contagion des émotions. Compassio, une énigme médiévale, Paris, 2016)
Dispositio morbida et forme spécifique, ou comment intégrer l'inexpliqué de la contagion humaine dans le système explicable des humeurs
Cette « effrayante maladie qui nous envahit » : Gentile da Foligno, du commentaire du Canon d'Avicenne au Consilia contra pestilentiam (Joël Chandelier, Avicenne et la médecine en Italie. Le Canon dans les universités (1200-1350), Paris, 2017)
« Si on nous demande : comment nous en remettre à la théorie de la contagion (da'wa-l-adwa) quand la loi nie cela, nous répondons : l'existence de la contagion est solidement établie par l'expérience, par l'étude, par la perception, par la constatation et par la fréquence des données. Ce sont les éléments de la preuve » (Ibn al-Hatib, Celle qui convainc le poseur de questions sur la maladie terrifiante, 1348, cité par François Clément, « À propos de la Muqni'at al-sa'id d'Ibn al-Hatib sur la peste à Grenade en 1348-1349 », dans Id., dir., Epidemies, épizooties. Des représentations anciennes aux approches actuelles, Rennes, 2017)
Médecine arabe et refus des formes magiques de la contagion (Justin Stearns, Infectious ideas. Infectious ideas. Contagion in Premodern Islamic and Christian Thought in the Western Mediterranean, Baltimore, 2011)
La souillure, la tâche et l'infection : seuls les péchés sont contagieux (Aurélien Robert, « Contagion morale et transmission des maladies : histoire d'un chiasme (XIIIe-XIXe siècle) », Tracés, 2011)
Pourquoi faut-il isoler les lépreux ? Le morbus contagiosus de la maladie et la macule du péché (Maaike van der Lugt, « Les maladies héréditaires dans la pensée scolastique », dans L'Hérédité entre Moyen Âge et époque moderne, Florence, 2008)
Pollution, contagion, scandale (Arnaud Fossier, « La contagion des péchés (XIe-XIIIe siècle) », Tracés, 2011)
Le mauvais œil, la maladie d'amour et le pouvoir des femmes (Mary F. Wack, Lovesickness in the Middle Ages. The "Viaticum" and Its Commentaries, Philadelphie, 1990)
Amour, altération de l'esprit, mélancolie : « La contagion de l'amour s'opère facilement et devient la peste la plus grave de toute » (Marsile Ficin, Commentaire sur le Banquet de Platon, VII, 5, 1469)
Girolamo Fracastoro et le De Contagione et contagionis Morbis (1546) : une fausse rupture naturaliste
Pharmacie médiévale de la peste et pharmakon
« Cette langue qui halète, énorme et grosse, d'abord blanche, puis rouge, puis noire, et comme charbonneuse et fendillée… » (Antonin Artaud, Le Théâtre de la peste, 1938)
De la métaphore meurtrière en régime analogique : quand le langage s'affole, la violence peut commencer à s'exercer.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
Doit-on, et peut-on, combler les blancs de la carte de la diffusion de l'épidémie en Eurasie ? En interrogeant les silences documentaires de la Chine, de l'Inde et de l'Afrique subsaharienne, on suggère d'appréhender plutôt le monde archipélagique de la peste noire entre histoire globale et histoires connectées. La réflexion débouche donc sur des questions de méthode, touchant les rapports entre histoire environnementale et narrativité, Big Data et critique documentaire, hétérogénéité des sources et paradigme d'une connaissance par traces.
Sommaire
Tout le Moyen Âge : la peste comme opérateur de périodisation, de spatialité et de mondialité
Un monde en archipel, « la totalité vit de ses propres détails » (Édouard Glissant, Philosophie de la relation : poésie en étendue, 2009)
Une « pestilence inattendue et universelle » (Robert d'Avesbury) : la rumeur de Chine
« 1344. Fengxiang : sécheresse et criquets, grande famine, épidémie » : des sources chinoises à bas-bruit, et le grand fracas des ruptures politiques après 1350 (Timothy Brook, Le Léopard de Kubilaï Khan. Une histoire mondiale de la Chine, 2019
En Inde également, les silences de la documentation (George Sussmann, « Was the Black Death in India and China? », Bulletin of the History of Medicine, 2011
Distances, connexions, transmissions et immunité innée : en l'absence de Xenopsylla cheopis
La peste à Aden en 1436 : réseaux marchands et contagion épidémique en mer Rouge
« En ces jours-là s'éleva contre tous les gens une peste telle qu'on ne peut la décrire » (Chronique de Zar'a Ya'eqob)
Les « soldats du fléau » dans l'hagiographie éthiopienne (Marie-Laure Derat, « Du lexique aux talismans : occurrences de la peste dans la Corne de l'Afrique du XIIIe au XVe siècle », Afriques, 2018)
« Les têtes d'Ifé, abandonnées par « une population saisie d'effroi » ? (Gérard Chouin, dans François-Xavier Fauvelle dir., L'Afrique ancienne, de l'Acacus au Zimbabwe, 2018)
Une « exploration critique du silence » : abandons de sites archéologiques, transferts de population et transformations politiques (Gérard Chouin, « Fossés, enceintes et peste noire en Afrique de l'Ouest forestière (500-1500 AD) », Afrique : Archéologie & Arts, 9, 2013)
L'Afrique aussi a droit à la peste noire : recherches génétiques et récits d'histoire-monde (Monica H. Green, « Putting Africa on the Black Death map: Narratives from genetics and history », Afriques, 2018)
Le pic des années 1320, monde plein et système-monde
La fin du Moyen Âge à l'âge de l'histoire globale (Bruce Campbell, The Great Transition: Climate, Disease and Society in the Late-Medieval World, 2015)
Superposer les courbes ou établir des corrélations : questions de méthode (Jean-Philippe Genet, « De la "grande crise" à la "grande transition" : une nouvelle perspective ? », Médiévales, 2019)
Beau Moyen Âge ou Medieval Climatic Anomaly ?
A perfect storm : climat, écosystèmes et sociétés
L'irradiation solaire et l'ENSO comme déterminant de dernière instance
Rabi Levi ben Gershom et le bâton de Jacob, histoires d'un objet-monde (1342)
Prendre le point de vue des étoiles ou « faire place à des histoires » ? (William Cronon, Nature et récits. Essais d'histoire environnementale, 2016)
Retour à Jean-Noël Biraben (Les Hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, 1975), la démographie historique comme science morale
Encore une intrigue de méthode : comment transformer une collecte d'attestations documentaires d'épidémies de peste en base de données des plague outbreaks (Ulf Büntgen, Christian Ginzler et al., « Digitizing Historical plague », Clinical Infectious Diseases, 2012)
Modélisations hâtives et cartographies incomplètes (Joris Roosen, Daniel R. Curtis (de Leiden), « Dangers of Noncritical use of Historical Plague Data », Emerging Infectious Diseases, 2018)
De l'optimisme méthodologique de l'histoire sociale à la française aux vertiges des Big Data : la modélisation épidémiologique au péril de la critique des sources (George Christakos, Ricardo Olea, Marc Serre, Hwa-Lung Yu et Lin-Lin Wang, Interdisciplinary Public Health Reasoning and Epidemic Modelling: The Case of Black Death, 2015)
Le Moyen Âge à la trace : un régime documentaire
Eadem die obiit : quand la mort passe dans un petit registre de comptes (Givry, 1348)
Le Tout-Monde de la peste au « vrac des horizons » : « …La certitude aussi que la plus infime de ces composantes nous est irremplaçable » (Édouard Glissant, La Cohée du Lamentin, 2005).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
Pour l'histoire de la peste noire, l'épidémie qui affecte l'ensemble du bassin méditerranéen, et au-delà, de 541 à 749 constitue moins un précédent qu'une comparaison obligée, placée en vis-à-vis historiographique. Si elle occupe une branche morte de l'arbre phylogénétique de Yersinia pestis, sa postérité est ailleurs : dans les enjeux méthodologiques qu'elle pose aux historiens confrontés à la discordance des sources, mais aussi dans l'imaginaire politique : entre hantises collapsologiques du contemporain et horizon eschatologique du Moyen Âge, on tente de comprendre en quoi, au-delà des conventions historiographiques, cette peste peut bien être dite « justinienne ».
Sommaire
« Il faut continuer… » (Samuel Becket, L'Innommable, 1953) : recommencements
La mémoire pathétique des gestes de la peste : quand le corps délivre une mémoire dont nous avons perdu le souvenir (Aby Warburg, Atlas Mnemosyne, 1927-1929)
Épaissir le temps de la peste, peupler les mondes de la peste : réassurances des savoirs lettrés et blessure narcissique
Yersinia pestis et l'humanité souffrante : une maladie qui n'était pas notre genre
Progrès scientifique et horizon de connaissances : la science pose de nouvelles questions à l'histoire
La génomique et la discordance des temps, une affaire de rythmes et d'échelles
Retour au territoire de l'historien : l'hétérogénéité des régimes documentaires
Entre histoire profonde et histoire globale, un regard à mi-pente
La peste dite « justinienne » : première épidémie historique
Une branche morte sur l'arbre phylogénétique de Yersinia pestis mais un opérateur puissant de périodisation (Yujun Cui, Chang Yu et al., « Historical variations in mutation rate in an epidemic pathogen, Yersinia pestis », PNAS, 2013)
Deux morts en Bavière : identification des premières victimes de la peste du VIe siècle au cimetière d'Alternerding
Premier bilan, nouvelles interrogations : quelle échelle, quelles datations ? (Marcel Keller, Maria A Spyrou et al., « Ancient Yersinia pestis genome from across Western Europe reveal early diversification during the First Pandemic (541-750) », PNAS, 2019)
Ceci n'est pas un puzzle
Constantinople, mars 542, « Il y eut en ce temps-là une pestilence qui manqua d'emporter la race humaine tout entière » (Procope de Césarée, Histoire des guerres, 2, 22)
Harvard, 2015 : archéologie de la mort de masse (Michael McCormick, « Tracking mass death during the fall of Rome's empire », Journal of Roman Archaeology, 2015)
Constantinople, 536 : « Combien il est étrange, je vous le demande, de voir le soleil mais sans son éclat habituel » (Cassiodore, Variae, 12, 25)
Belfast, 2008 : analyse dendochronologique et carottes glaciaires (Michaël Baillie, « Proposed re‐dating of the European ice core chronology by seven years prior to the 7th century AD », Geophysical research letters, 2008)
Constantinople, 541 : Justinien, les greniers de l'empire et les rats des navires (Michael McCormick, « Bateaux de vie, bateaux de mort. Maladie, commerce, transports annonaires et le passage économique du bas-empire au Moyen Âge », dans Morfologie sociali e culturali in Europa fra tardo antichità e alto medioevo (Spolète, 1998)
Raconter l'histoire depuis le point de vue animal de rattus rattus ?
Le « petit âge glaciaire de l'Antiquité tardive » (530-680) : systèmes climatiques et écosystèmes sociaux (Jean-Pierre Devroey, La Nature et le Roi. Environnement, pouvoir et société à l'âge de Charlemagne, 2019)
En Scandinavie, du « grand hiver » (Fimbulvetr) au « crépuscule des dieux » (Ragnarök) : Winter is coming (Bo Gräslund et Neil Price, « Twilight of the gods? The "dust veil event" of AD 536 in critical perspective », Antiquity, 2012)
Pourquoi la peste du VIe siècle peut être dite justinienne : catastrophe épidémique et retournement de situation politique
Combiner les sources, malgré tout : Procope de Césarée et Jean d'Ephèse, « duo improbable », ont bien vu ce qu'ils ont vu (Kyle Harper, Comment l'Empire romain s'est effondré. Le climat, les maladies et la chute de Rome, 2019)
Le silo mortuaire des tours de Sykai et le pressoir mystique : « vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu » (Jean d'Ephèse, Chronique de Zuqnîn)
Une épidémie qui avance par bonds : « Comme un champ de blé incendié, la ville fut soudainement enflammée par la pestilence » (Grégoire de Tours, Histoires des Francs, 9, 22)
Ne pas révoquer la valeur documentaire des sources au motif de leur discontinuité (Michael McCormick, « Gregory of Tours on Sixth-Century Plague and Other Epidemics », Speculum, 2021)
Les trois temps de la première pandémie : peste byzantine (542-600), accalmie du VIIe siècle (600-660), période ibérique (660-749) (Dimitri Stathakopoulos, Famine and Pestilence in the Late Roman and Early Byzantine Empire: A Systematic Survey of Subsistence Crisis and Epidemics, 2004)
« … la peste justinienne, après avoir peut-être contribué à expliquer Mahomet, a pu aussi expliquer Charlemagne » (Jacques Le Goff et Jean-Noël Biraben, « La Peste du Haut Moyen Âge», Annales, 1969)
Peste justinienne et peste noire : une comparaison historiographique inévitable
La peste et la chute des empires : lectures maximalistes, lectures déflationnistes (Lee Mordechai et Merle Eisenberg, « Rejecting Catastrophe: The Case of the Justinianic Plague », Past & Present, 2019)
Kyle Harper et la fin du monde, ou la chute de Rome sans les Romains de la décadence
Hantises collapsologiques et horizon eschatologique : la peste justinienne et le Moyen Âge aujourd'hui.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
Pour l'histoire de la peste noire, l'épidémie qui affecte l'ensemble du bassin méditerranéen, et au-delà, de 541 à 749 constitue moins un précédent qu'une comparaison obligée, placée en vis-à-vis historiographique. Si elle occupe une branche morte de l'arbre phylogénétique de Yersinia pestis, sa postérité est ailleurs : dans les enjeux méthodologiques qu'elle pose aux historiens confrontés à la discordance des sources, mais aussi dans l'imaginaire politique : entre hantises collapsologiques du contemporain et horizon eschatologique du Moyen Âge, on tente de comprendre en quoi, au-delà des conventions historiographiques, cette peste peut bien être dite « justinienne ».
Sommaire
« Il faut continuer… » (Samuel Becket, L'Innommable, 1953) : recommencements
La mémoire pathétique des gestes de la peste : quand le corps délivre une mémoire dont nous avons perdu le souvenir (Aby Warburg, Atlas Mnemosyne, 1927-1929)
Épaissir le temps de la peste, peupler les mondes de la peste : réassurances des savoirs lettrés et blessure narcissique
Yersinia pestis et l'humanité souffrante : une maladie qui n'était pas notre genre
Progrès scientifique et horizon de connaissances : la science pose de nouvelles questions à l'histoire
La génomique et la discordance des temps, une affaire de rythmes et d'échelles
Retour au territoire de l'historien : l'hétérogénéité des régimes documentaires
Entre histoire profonde et histoire globale, un regard à mi-pente
La peste dite « justinienne » : première épidémie historique
Une branche morte sur l'arbre phylogénétique de Yersinia pestis mais un opérateur puissant de périodisation (Yujun Cui, Chang Yu et al., « Historical variations in mutation rate in an epidemic pathogen, Yersinia pestis », PNAS, 2013)
Deux morts en Bavière : identification des premières victimes de la peste du VIe siècle au cimetière d'Alternerding
Premier bilan, nouvelles interrogations : quelle échelle, quelles datations ? (Marcel Keller, Maria A Spyrou et al., « Ancient Yersinia pestis genome from across Western Europe reveal early diversification during the First Pandemic (541-750) », PNAS, 2019)
Ceci n'est pas un puzzle
Constantinople, mars 542, « Il y eut en ce temps-là une pestilence qui manqua d'emporter la race humaine tout entière » (Procope de Césarée, Histoire des guerres, 2, 22)
Harvard, 2015 : archéologie de la mort de masse (Michael McCormick, « Tracking mass death during the fall of Rome's empire », Journal of Roman Archaeology, 2015)
Constantinople, 536 : « Combien il est étrange, je vous le demande, de voir le soleil mais sans son éclat habituel » (Cassiodore, Variae, 12, 25)
Belfast, 2008 : analyse dendochronologique et carottes glaciaires (Michaël Baillie, « Proposed re‐dating of the European ice core chronology by seven years prior to the 7th century AD », Geophysical research letters, 2008)
Constantinople, 541 : Justinien, les greniers de l'empire et les rats des navires (Michael McCormick, « Bateaux de vie, bateaux de mort. Maladie, commerce, transports annonaires et le passage économique du bas-empire au Moyen Âge », dans Morfologie sociali e culturali in Europa fra tardo antichità e alto medioevo (Spolète, 1998)
Raconter l'histoire depuis le point de vue animal de rattus rattus ?
Le « petit âge glaciaire de l'Antiquité tardive » (530-680) : systèmes climatiques et écosystèmes sociaux (Jean-Pierre Devroey, La Nature et le Roi. Environnement, pouvoir et société à l'âge de Charlemagne, 2019)
En Scandinavie, du « grand hiver » (Fimbulvetr) au « crépuscule des dieux » (Ragnarök) : Winter is coming (Bo Gräslund et Neil Price, « Twilight of the gods? The "dust veil event" of AD 536 in critical perspective », Antiquity, 2012)
Pourquoi la peste du VIe siècle peut être dite justinienne : catastrophe épidémique et retournement de situation politique
Combiner les sources, malgré tout : Procope de Césarée et Jean d'Ephèse, « duo improbable », ont bien vu ce qu'ils ont vu (Kyle Harper, Comment l'Empire romain s'est effondré. Le climat, les maladies et la chute de Rome, 2019)
Le silo mortuaire des tours de Sykai et le pressoir mystique : « vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu » (Jean d'Ephèse, Chronique de Zuqnîn)
Une épidémie qui avance par bonds : « Comme un champ de blé incendié, la ville fut soudainement enflammée par la pestilence » (Grégoire de Tours, Histoires des Francs, 9, 22)
Ne pas révoquer la valeur documentaire des sources au motif de leur discontinuité (Michael McCormick, « Gregory of Tours on Sixth-Century Plague and Other Epidemics », Speculum, 2021)
Les trois temps de la première pandémie : peste byzantine (542-600), accalmie du VIIe siècle (600-660), période ibérique (660-749) (Dimitri Stathakopoulos, Famine and Pestilence in the Late Roman and Early Byzantine Empire: A Systematic Survey of Subsistence Crisis and Epidemics, 2004)
« … la peste justinienne, après avoir peut-être contribué à expliquer Mahomet, a pu aussi expliquer Charlemagne » (Jacques Le Goff et Jean-Noël Biraben, « La Peste du Haut Moyen Âge», Annales, 1969)
Peste justinienne et peste noire : une comparaison historiographique inévitable
La peste et la chute des empires : lectures maximalistes, lectures déflationnistes (Lee Mordechai et Merle Eisenberg, « Rejecting Catastrophe: The Case of the Justinianic Plague », Past & Present, 2019)
Kyle Harper et la fin du monde, ou la chute de Rome sans les Romains de la décadence
Hantises collapsologiques et horizon eschatologique : la peste justinienne et le Moyen Âge aujourd'hui.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Depuis dix ans, les progrès de la paléogénomique relancent l'histoire de la peste noire, par les réponses qu'ils apportent, mais surtout par les nouvelles questions qu'ils ouvrent. En tentant de comprendre le cadre épistémologique qui préside à la reconstitution phylogénétique de Yersinia pestis, on l'appréhende à la fois comme outil de périodisation et comme épreuve d'une réflexion sur l'hétérogénéité des régimes documentaires. Le programme de recherche sur la peste noire s'en trouve redéfini, entre naturalisme et constructivisme.
Sommaire
Un cadavre exquis : Ramsès II au Val-de-Grâce en 1976
Un pharaon peut-il mourir de la tuberculose ? (Bruno Latour, « Jusqu'où faut-il mener l'histoire des découvertes scientifiques ? », Chroniques d'un amateur de sciences, 2006)
« La science construit ses objets » (Gaston Bachelard) : objets de connaissance, objets dans le monde
« Mais quelle raison a pu conduire Latour à récuser la réponse de bon sens ? » (Paul Boghossian, La Peur du savoir. Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance, 2009)
Desserrer l'étau d'une opposition binaire entre réalités naturelles et construits sociaux (Étienne Anheim et Stéphane Gioanni, « La nature, la construction sociale et l'histoire. Remarques sur l'œuvre de Ian Hacking » dans Michel de Fornel et Cyril Lemieux dir., Naturalisme vs constructivisme, 2009)
Constructivisme des faits et nominalisme radical : les séductions d'un textualisme péremptoire
« Nos savants au secours de Ramsès II tombé malade 3 000 ans après sa mort » : la leçon de philosophie de Paris-Match
Une expérience du temps historique : ouvrir le passé aux futurs de l'histoire
Qu'est-ce qu'une expérience de pensée ? « On donne généralement le nom de découverte à la connaissance d'un fait nouveau ; mais je pense que c'est l'idée qui se rattache au fait découvert qui constitue en réalité la découverte » (Claude Bernard, Introduction à la médecine expérimentale, 1865)
Trois mots anglais pour dire la maladie : illness, disease, sickness (Horacio Fabrega, Evolution of Sickness and Healing, 1997)
Le pouvoir médical, ou comment, diagnostiquant un disease, on transforme illness en sickness
Le rôle social du lépreux dans la société de persécution au Moyen Âge
Les maladies ont une histoire : sur l'historiographie des « années SIDA » (Neithard Bulst et Robert Delort dir., Maladies et sociétés, XIIe-XVIIe siècles, 1988 ; François-Olivier Touati dir., Maladies, médecines et sociétés, 1993)
Histoire de longue durée et histoire immédiate : la pathocénose comme « communauté de maladies » (Joël Coste, Bernardino Fantini et Louise Lambrichs dir., Le Concept de pathocénose de M.D. Grmek. Une conceptualisation de l'histoire des maladies, 2016)
La septième pathocénose : un outil de périodisation
Quand Yersinia pestis n'a pas besoin de nous : « l'homme n'est que son hôte secondaire, subsidiaire et, d'un point non anthropocentrique, peu important » (Mirko Grmek, « Préliminaires d'une étude historique des maladies », Annales, 1969)
Londres, 1348 : le cimetière d'East-Smithfield (Barney Sloane, The Black Death in London, 2011)
Sépultures de catastrophe et rites funéraires. Qu'est-ce qu'un cimetière de peste ? (Sacha Kacki, « Black Death: Cultures in Crisis », Encyclopedia of Global Archaeology, 2020)
La collection ostéologique d'East-Smithfield : bioarchéologie de l'état sanitaire des populations (Sharon DeWitte)
Depuis 2010, brève histoire de la paléogénomique (Ludovic Orlando, L'ADN fossile, une machine à remonter le temps, 2021)
Quand le plus ancien en nous sert à mieux tolérer ce qui surgit de neuf : métissage, immunité innée et ingression archaïque (Lluis Quintana-Murci, « Génétique et histoire de l'homme : adaptation aux agents infectieux », dans Patrick Boucheron dir., Migrations, réfugiés, exils, 2017)
Faut-il avoir peur de ce savoir ? Les mauvais souvenirs historiques d'une biologisation de l'anthropologie raciale (Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d'origine de l'Occident, 2014)
La tentation de fin de non-recevoir (Alain Testard, « Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l'évolution des sociétés ? », Préhistoires méditerranéennes, 2011)
2011, East Smithfield : une trace de Yersinia pestis (Kirsten I. Boos et al., « A draft genome of Yersinia pestis from victims of the Black Death », Nature, 478, octobre 2011)
Une seule bactérie tueuse, plusieurs maladies
De la peste justinienne à l'âge de Bronze : Quand Yersinia pestis prend de l'âge
Du stemma codicum à l'arbre phylogénétique : l'étrange familiarité d'une forme graphique
La peste justinienne et la peste noire de part et d'autre du « silence pathologique » (Pierre Toubert, « La Peste noire (1348), entre histoire et biologie moléculaire », Journal des savants, 2016)
Trois pandémies ou cinq pestes ? (Monica Green, « The Four Black Deaths », The American Historical Review, 125, décembre 2020)
Un événement théorique en Asie centrale : le « Big Bang » de la polytomie avant la peste noire
La carte au trésor : histoire globale et hétérogénéité des régimes documentaires
Retour à Ramsès II : comment peut-on être tuberculeux sans avoir lu la Montagne magique de Thomas Mann ?
« Mon corps est bien plus vieux que moi, comme si nous gardions toujours l'âge des peurs sociales auxquelles, par le hasard de la vie, nous avons touché » (Roland Barthes, Leçon, 1977).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
Les modes de transmission de Yersinia pestis font l'objet d'études biologiques et épidémiologiques de plus en plus poussées, à partir du tableau clinique actuel mais aussi de la modélisation rétrospective des sources du passé. Pourtant, la virulence de l'épidémie médiévale reste difficilement compréhensible en appliquant de tels modèles. Le cours suggère d'autres hypothèses sur la possibilité d'une contagion interhumaine et la persistance de foyers pesteux en Europe, qui prennent en compte la dimension environnementale d'un récit global mais discontinu de l'épidémie.
Sommaire
« Depuis longtemps, la peste est mon métier » : Henri Mollaret, Jacqueline Brossolet et le service de la Peste de l'Institut Pasteur
Dernières nouvelles de la troisième pandémie de peste (Eric Bertherat, World Health Organization, Weekly epidemiological record, 25, 2019)
L'étiologie actuelle : essentiellement trois formes cliniques (septicémique, bubonique et pulmonaire)
Quand le bubon ne suffit plus à établir le diagnostic rétrospectif : à la recherche des carbunculi (Samuel Cohn, Cultures of Plague. Medical thinking at the end of Renaissance, 2010)
Menaces sur la biodiversité, résistance aux antibiotiques et bioterrorisme : l'économie de la recherche sur le bacille « dont le pouvoir pathogène pour l'homme est le plus élevé dans le monde bactérien » (Elisabeth Carniel)
Tester rapidement l'antigène F1 de YP : les risques du passé et les retombées des hantises du présent (Raffaela Bianucci et al., CR Biologies, 2007)
En URSS des années 1920 aux années 1970 : l'impossible éradication de la peste (Susan D. Jones et al., PNAS, 2019)
Zoonose et sauts d'espèce : le schéma général de la transmission du puce à la rat et du rat à l'homme
Une progression par réplication de micro-événements (Monica Green, The Medieval Globe, 2014)
Quand l'histoire passe par une piqûre de puce : microbiologie de l'infection (Amélie Dewitte et all, PLOS Pathogens, 2020)
De la mort du rat à celle de l'homme : la peste au Caire en 1801 (Xavier Didelot, et al., J. R. Soc. Interface, 2017)
Toujours au Caire, mais au XVe siècle, au temps du « grand anéantissement » (Stuart Borsch et Tarek Sabraa, Mamlῡk Studies Review, 2016)
Un soupçon persistant sur pulex irritans (Katharine R. Dean et al., PNAS, 2018)
La peste s'est diffusée dans les populations humaines avec une rapidité et une facilité qui ne sont guère compatibles avec le modèle classique de transmission du rat à la puce du rat puis à l'homme » (Isabelle Séguy et Guido Alfani, « La Peste : bref état des connaissances actuelles », Annales de démographie historique, 2017)
La circulation des savoirs microbiologiques depuis Bombay, « théâtre d'expérimentation » de la peste (Pratik Chakrabarti)
Pour en finir avec l'orientalisme épidémiologique : relectures historiennes des Rapports d'études sur la peste en Inde (Samuel Cohn, The Black Death Transformed, 2002)
Mort et résurrection d'un paradigme (Samuel Cohn, « Black Death, End of a Paradigm » American Historical Review, 2002)
« We believe that we can end the controversy: Medieval Black Death was Plague » : comment ne pas mettre fin à une controverse (Didier Raoult et al., PNAS, 2000)
Des espèces aux milieux et de la Mongolie aux Alpes italiennes : cherchez la marmotte (V.V. Suntsov, Biol Bull Russ Acad Sci, 2012)
Histoire de l'épidémie milanaise de 1567 et hypothèse sur la persistance de la peste en Europe (Ann Carmichael, The Medieval Globe, 2014)
Retour aux sources : Avignon en 1348, Guy de Chauliac et Louis Sanctus de Beringen
Modélisation épidémiologique des sources démographiques traditionnelles : le cas de Nonantola en 1630 (Guido Alfani et Samuel Cohn, « Nonantola 1630: Anatomia di une pestilenza e mecanismi del contagio », Popolazione e Storia, 2, 2007)
Sur la piste d'une contamination interhumaine : surmortalité et densité des foyers humains (Guido Alfani et Marco Bonetti, « A survival analysis of the last great European plagues: The case of Nonantola (Northern Italy) in 1630 », Population Studies, 73, 2019)
Qui comincia il contaggio : la mort d'Antonia Tarossi et de sa famille
« A Marseille, sur 150 Frères Mineurs il n'en resta pas un seul : c'est bien ainsi » : Henry Knighton et les petitesses de l'histoire
Histoire naturelle ou histoires naturelles ? Un récit global mais discontinu
Après la nature, après l'histoire, restaurer la lisibilité de l'histoire en faisant droit à l'hétérogénéité des images
« Le besoin de savoir était contredit par la tendance à fermer les yeux » (W.G. Sebald, De la destruction comme élément de l'histoire naturelle, 2001)
Les yeux écarquillés et les yeux bandés : retour sur la scène du crime (Henri Mollaret et Jacqueline Brossollet, À propos des « Pestiférés de Jaffa » de A.J. Gros, 1968).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
Entre fiction littéraire de la fête collective chez Jean Delumeau et fiction politique de la société de peste chez Michel Foucault, la séance interroge la constitution des savoirs historiens sur les épidémies de peste dans les années 1975-1985. Elle pose comme hypothèse que celle-ci est indissociable d'une certaine hantise contemporaine, ramenant le théâtre de la contagion aux structures narratives d'un récit épidémique.
Sommaire
Festival d'Avignon, cour d'honneur, 9 juillet 1983 : « dans ce palais, il y a eu la peste et la papauté, ensemble, en 1348 » (Jean-Pierre Vincent)
« Il y a dans le théâtre comme dans la peste quelque chose à la fois de victorieux et de vengeur (Antonin Artaud,
« Le théâtre et la peste », 1938)
Comment une société organise-t-elle son indestructibilité ?
Microbiologie, environnement, world history : une histoire triplement débordée
Voir l'histoire à travers « l'imagination de la vérité du réel » (Goethe)
Retour sur la « terrible puanteur des morts » à Marseille en 1347 : mémoire et inflammation de l'imaginaire
« Les gestes de la peste, comme ceux de la peur et de la douleur en général, délivrent une mémoire dont nous avons perdu le souvenir » (Georges Didi-Huberman, Memorandum de la peste, 1983)
Ecrire dans un théâtre dépeuplé : récit d'une coïncidence différée
Une survivance chorale : « Mais à la peste il faut bien un narrateur, un qui puisse, qui ose dire mes yeux ont tout vu,
il faut bien, tâche lourde ou non, un arpenteur du désastre, un mélancolique, un dont la maladie différait un peu des autres, maladie à la mort, non maladie mortelle, encore. Un qui pressent qu'il n'arrive pas à mourir » (Georges Didi-Huberman)
La peste comme fête collective et comme cité assiégée : Jean Delumeau, La Peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles), 1978
Une « rupture inhumaine » dans l'ordre ordinaire des jours
La persistance historiographique de « l'âpre saveur de la vie » (Elodie Lecuppre-Desjardins dir., L'odeur du sang et des roses. Relire Johan Huizinga aujourd'hui, 2019)
Histoire des mentalités, médecine et psychologie des foules : la « dissolution de l'homme moyen » (Paul Fréour, « Réactions des populations atteintes par une grande épidémie », Revue de psychologie des peuples, 1960)
Les traits anthropologiques fondamentaux d'une « société de peste »
« Le Journal de la peste de Daniel Defoe — notre meilleur document sur une peste bien qu'il s'agisse d'un roman — est rempli de scènes hallucinantes et d'anecdotes bouleversantes » (Jean Delumeau)
« l'homérique bataille de l'explosion et du colmatage, de la déliquescence et du durcissement, du désordre fou et de l'acharnée volonté de mise en ordre » (Bernard Chartreux, Dernières nouvelles de la Peste, 1984)
Fiction littéraire de la fête chez Jean Delumeau, fiction politique de la peste chez Michel Foucault
« Voici, selon un règlement de la peste de la fin du XVIIe siècle, les mesures qu'il fallait prendre quand la peste se déclarait dans une ville » (Surveiller et punir, 1975)
Visible dans l'archive et rendant l'archive lisible : le paradigme foucaldien, entre singularité et exemplarité
A Marseille en 1720, société de surveillance et « expériences ordinaires de la peste » (Fleur Beauvieux)
De 1347 à 1722, la deuxième pandémie de peste : à l'ombre du paradigme
La fondation paradoxale des années 1975-1985 : savoirs historiens, indistinction chronologique et hantise théâtrale
« Evidemment que c'est la peste. En voici les dernières nouvelles, on n'est jamais trop prudent. La peste donc, mais d'abord une peste, peu importe laquelle… » (Bernard Chartreux)
Théâtre de la contagion et récit épidémique : trois actes et un patient zéro
Charles Rosenberg, « What Is an Epidemic ? AIDS in Historical Perspective », Daedalus, 1989
Le troisième acte ouvre seulement la possibilité de la fin de l'épidémie : ça finit quand, vraiment ?
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
Entre fiction littéraire de la fête collective chez Jean Delumeau et fiction politique de la société de peste chez Michel Foucault, la séance interroge la constitution des savoirs historiens sur les épidémies de peste dans les années 1975-1985. Elle pose comme hypothèse que celle-ci est indissociable d'une certaine hantise contemporaine, ramenant le théâtre de la contagion aux structures narratives d'un récit épidémique.
Sommaire
Festival d'Avignon, cour d'honneur, 9 juillet 1983 : « dans ce palais, il y a eu la peste et la papauté, ensemble, en 1348 » (Jean-Pierre Vincent)
« Il y a dans le théâtre comme dans la peste quelque chose à la fois de victorieux et de vengeur (Antonin Artaud,
« Le théâtre et la peste », 1938)
Comment une société organise-t-elle son indestructibilité ?
Microbiologie, environnement, world history : une histoire triplement débordée
Voir l'histoire à travers « l'imagination de la vérité du réel » (Goethe)
Retour sur la « terrible puanteur des morts » à Marseille en 1347 : mémoire et inflammation de l'imaginaire
« Les gestes de la peste, comme ceux de la peur et de la douleur en général, délivrent une mémoire dont nous avons perdu le souvenir » (Georges Didi-Huberman, Memorandum de la peste, 1983)
Ecrire dans un théâtre dépeuplé : récit d'une coïncidence différée
Une survivance chorale : « Mais à la peste il faut bien un narrateur, un qui puisse, qui ose dire mes yeux ont tout vu,
il faut bien, tâche lourde ou non, un arpenteur du désastre, un mélancolique, un dont la maladie différait un peu des autres, maladie à la mort, non maladie mortelle, encore. Un qui pressent qu'il n'arrive pas à mourir » (Georges Didi-Huberman)
La peste comme fête collective et comme cité assiégée : Jean Delumeau, La Peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles), 1978
Une « rupture inhumaine » dans l'ordre ordinaire des jours
La persistance historiographique de « l'âpre saveur de la vie » (Elodie Lecuppre-Desjardins dir., L'odeur du sang et des roses. Relire Johan Huizinga aujourd'hui, 2019)
Histoire des mentalités, médecine et psychologie des foules : la « dissolution de l'homme moyen » (Paul Fréour, « Réactions des populations atteintes par une grande épidémie », Revue de psychologie des peuples, 1960)
Les traits anthropologiques fondamentaux d'une « société de peste »
« Le Journal de la peste de Daniel Defoe — notre meilleur document sur une peste bien qu'il s'agisse d'un roman — est rempli de scènes hallucinantes et d'anecdotes bouleversantes » (Jean Delumeau)
« l'homérique bataille de l'explosion et du colmatage, de la déliquescence et du durcissement, du désordre fou et de l'acharnée volonté de mise en ordre » (Bernard Chartreux, Dernières nouvelles de la Peste, 1984)
Fiction littéraire de la fête chez Jean Delumeau, fiction politique de la peste chez Michel Foucault
« Voici, selon un règlement de la peste de la fin du XVIIe siècle, les mesures qu'il fallait prendre quand la peste se déclarait dans une ville » (Surveiller et punir, 1975)
Visible dans l'archive et rendant l'archive lisible : le paradigme foucaldien, entre singularité et exemplarité
A Marseille en 1720, société de surveillance et « expériences ordinaires de la peste » (Fleur Beauvieux)
De 1347 à 1722, la deuxième pandémie de peste : à l'ombre du paradigme
La fondation paradoxale des années 1975-1985 : savoirs historiens, indistinction chronologique et hantise théâtrale
« Evidemment que c'est la peste. En voici les dernières nouvelles, on n'est jamais trop prudent. La peste donc, mais d'abord une peste, peu importe laquelle… » (Bernard Chartreux)
Théâtre de la contagion et récit épidémique : trois actes et un patient zéro
Charles Rosenberg, « What Is an Epidemic ? AIDS in Historical Perspective », Daedalus, 1989
Le troisième acte ouvre seulement la possibilité de la fin de l'épidémie : ça finit quand, vraiment ?
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
Résumé
Entre fiction littéraire de la fête collective chez Jean Delumeau et fiction politique de la société de peste chez Michel Foucault, la séance interroge la constitution des savoirs historiens sur les épidémies de peste dans les années 1975-1985. Elle pose comme hypothèse que celle-ci est indissociable d'une certaine hantise contemporaine, ramenant le théâtre de la contagion aux structures narratives d'un récit épidémique.
Sommaire
Festival d'Avignon, cour d'honneur, 9 juillet 1983 : « dans ce palais, il y a eu la peste et la papauté, ensemble, en 1348 » (Jean-Pierre Vincent)
« Il y a dans le théâtre comme dans la peste quelque chose à la fois de victorieux et de vengeur (Antonin Artaud,
« Le théâtre et la peste », 1938)
Comment une société organise-t-elle son indestructibilité ?
Microbiologie, environnement, world history : une histoire triplement débordée
Voir l'histoire à travers « l'imagination de la vérité du réel » (Goethe)
Retour sur la « terrible puanteur des morts » à Marseille en 1347 : mémoire et inflammation de l'imaginaire
« Les gestes de la peste, comme ceux de la peur et de la douleur en général, délivrent une mémoire dont nous avons perdu le souvenir » (Georges Didi-Huberman, Memorandum de la peste, 1983)
Ecrire dans un théâtre dépeuplé : récit d'une coïncidence différée
Une survivance chorale : « Mais à la peste il faut bien un narrateur, un qui puisse, qui ose dire mes yeux ont tout vu,
il faut bien, tâche lourde ou non, un arpenteur du désastre, un mélancolique, un dont la maladie différait un peu des autres, maladie à la mort, non maladie mortelle, encore. Un qui pressent qu'il n'arrive pas à mourir » (Georges Didi-Huberman)
La peste comme fête collective et comme cité assiégée : Jean Delumeau, La Peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles), 1978
Une « rupture inhumaine » dans l'ordre ordinaire des jours
La persistance historiographique de « l'âpre saveur de la vie » (Elodie Lecuppre-Desjardins dir., L'odeur du sang et des roses. Relire Johan Huizinga aujourd'hui, 2019)
Histoire des mentalités, médecine et psychologie des foules : la « dissolution de l'homme moyen » (Paul Fréour, « Réactions des populations atteintes par une grande épidémie », Revue de psychologie des peuples, 1960)
Les traits anthropologiques fondamentaux d'une « société de peste »
« Le Journal de la peste de Daniel Defoe — notre meilleur document sur une peste bien qu'il s'agisse d'un roman — est rempli de scènes hallucinantes et d'anecdotes bouleversantes » (Jean Delumeau)
« l'homérique bataille de l'explosion et du colmatage, de la déliquescence et du durcissement, du désordre fou et de l'acharnée volonté de mise en ordre » (Bernard Chartreux, Dernières nouvelles de la Peste, 1984)
Fiction littéraire de la fête chez Jean Delumeau, fiction politique de la peste chez Michel Foucault
« Voici, selon un règlement de la peste de la fin du XVIIe siècle, les mesures qu'il fallait prendre quand la peste se déclarait dans une ville » (Surveiller et punir, 1975)
Visible dans l'archive et rendant l'archive lisible : le paradigme foucaldien, entre singularité et exemplarité
A Marseille en 1720, société de surveillance et « expériences ordinaires de la peste » (Fleur Beauvieux)
De 1347 à 1722, la deuxième pandémie de peste : à l'ombre du paradigme
La fondation paradoxale des années 1975-1985 : savoirs historiens, indistinction chronologique et hantise théâtrale
« Evidemment que c'est la peste. En voici les dernières nouvelles, on n'est jamais trop prudent. La peste donc, mais d'abord une peste, peu importe laquelle… » (Bernard Chartreux)
Théâtre de la contagion et récit épidémique : trois actes et un patient zéro
Charles Rosenberg, « What Is an Epidemic ? AIDS in Historical Perspective », Daedalus, 1989
Le troisième acte ouvre seulement la possibilité de la fin de l'épidémie : ça finit quand, vraiment ?
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2020-2021
La peste noire
« In medias res » (introduction générale)
Résumé
Le passage de la mort dans la vie d'une femme, à Marseille, en 1348 : c'est ainsi que commence le cours de cette année in medias res. On y parle d'expérience et de narration, dans la continuité des leçons données l'année dernière, mais aussi de deuil et de progrès scientifiques, présentant les principaux enjeux d'une histoire à la fois globale et sociale de la peste noire.
Sommaire
Quand l'événement est en cours, commencer « au milieu des choses »
Marseille, août 1349 : Alayseta Paula devant son juge, « privée de tous ses proches, enceinte et affaiblie, continuellement remplie de chagrins et d'afflictions »
La peste arrive à Marseille (Ole Jørgen Benedictow, The Black Death 1346-1353. The Complete History, 2004)
« La terrible puanteur des morts » : une vision hallucinée de la peste noire, de Boccace à Antonin Artaud
Résilience notariale et résistance sociale à Marseille, Perpignan et Bologne (Shona Kelly Wray, Communities and Crisis. Bologna during the Black Death, 2009)
Alayseta Paula dans le portrait de groupe des travailleuses marseillaises (Francine Michaud, Earning Dignity. Labour Conditions and Relations during the Century of the Black Death in Marseille, 2016)
Propter pestilentiam : l'écho amorti de la catastrophe dans la documentation publique (François Otchakovsky-Laurens, La vie politique à Marseille sous la domination angevine (1348-1385), 2017)
Une société politique qui résiste et qui s'adapte (Daniel Lord Smail, « Accommodating plague in Medieval Marseille », Continuity and Change, 1996)
Pandémie et pestis universalis : « la violente mortalité due à la peste envoie en ce moment atrocement ses flèches partout » (Elisabeth Carpentier, Une ville devant la peste. Orvieto et la peste noire de 1348, 1962, rééd. 1993)
Anno mortalitatis terribilis proxime decurso : un nom barré et l'évidence de l'histoire
Avril 2020, un historien envoie sur internet une carte postale vidéo sur la peste noire (Daniel Lord Smail, « A Life in the Black Death: The Inventory of Alayseta Paula (Marseille, 1348) »)
Avril 2020, un autre historien envoie sur internet une autre carte postale vidéo sur la peste noire (Patrick Boucheron, « Propos de chercheur »)
Coïncidences ou concordance des temps ? Prétendre tirer les leçons du passé, c'est se préparer à « penser en retard » (Marc Bloch) : Guillaume Lachenal et Gaël Thomas, « L'histoire immobile du coronavirus », Comment faire ?, 2020
Globaliser la peste noire (Monica Green dir., Pandemic Disease in the Medieval World. Rethinking the Black Death, 2014) et faire l'histoire de la santé globale (Monica Green, « Emerging diseases, re-ermerging histories », Centaurus, 2020)
Le progrès historiographique par accumulation de savoirs : une histoire sociale et politique de la peste noire (Jean-Louis Biget, La grande peste noire, CD audio « De vive voix », 2001)
Le progrès historiographique par révolution des paradigmes (Pierre Toubert, « La Peste noire (1348), entre histoire et biologie moléculaire », Journal des savants, 2016)
Séquençage génomique et histoire environnementale : une histoire profonde de la peste noire est-elle possible ? (Daniel Lord Smail, Deep history and the Brain, 2008)
Qui racontera cette histoire ? Retour sur Le conteur de Walter Benjamin (1936), lorsque se rompt la chaîne de « l'expérience qui suit son cours de bouche en bouche »
Recommencer depuis Boccace et son « horrible commencement » (cours du 16 janvier 2018, « Boccace, le survivant et la tyrannie de la mort »)
Freud le travail de l'histoire et le Trauerarbeit (Laurie Laufer, L'énigme du deuil, 2006)
« La mort ne se laisse plus dénier ; on est forcé de croire en elle » (Sigmund Freud, « Considérations actuelles sur la guerre et la mort », 1915)
Philippe Ariès et « l'humanité coutumière et résignée » d'avant 1914 (Stéphanie Sauget, « En finir avec le déni de mort ? Autour de Philippe Ariès », Sensibilités, 2020)
Quand « l'ombre de l'objet est tombé sur le moi » (Sigmund Freud, « Deuil et mélancolie », 1917)
L'effondrement mélancolique et l'épreuve de vérité.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2019-2020
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2019-2020
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2019-2020
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
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Année 2019-2020
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
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Année 2019-2020
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
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Année 2019-2020
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique (2) : narration et expérience
Patrice Boucheron
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Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
« Se sentir bête, incapable, incompétent, idiot » (Pierre Bourdieu, Sociologie générale, 2015) : l'effort de recherche comme un art de l'affaiblissement
Une grammaire générative des possibles du politique au Moyen Âge est-elle possible ?
Des régularités davantage que des règles, un style d'enquête plus qu'une méthode : récapitulations des résultats de la recherche
Écrire l'histoire des problématisations : le passé est un réservoir de réponses, mais quelles étaient les questions ?
Un exemple : l'institution podestataire comme expérimentation et comme invention du politique (Jean-Claude Maire Vigueur dir., I podestà dell'Italia comunale. Parte I – Reclutamento e circolazione degli ufficiali forestieri (fine XII sec-metà XIV sec.), Rome, 2000)
Scalabilité et durabilité de l'expérience : les contours spatio-temporels de l'Italie communale
Une science du gouvernement au service de la concorde civique : l'art de la parole
De Enrico Besta à Giovanni Tabacco, le débat historiographique sur les origines de la charge de la podestat
Un moment révolutionnaire (Enrico Artifoni) ? Rythmes, espacement, événement
La consistance de la durée communale : un entassement des formes politiques et non une succession de régimes
Fuori, fuori il podestà : quand l'événement naît du dérèglement du rituel (Todi, 17 juillet 1268)
Une microstoria de l'écart à la norme (Jean-Claude Maire Vigueur, « Échec au podestat : l'expulsion de Comacio Galluzzi, podestat de Todi », Bollettino della deputazione di storia patria per l'Umbria, 1995)
Histoire émotionnelle d'une humiliation qui n'est pas souveraine : Comacio Galluzzi pleure de rage, puis se venge
À Murano également, en 1511, un raté de la ritualité politique (Claire Judde de la Rivière, La révolte des boules de neige. Murano face à Venise, 1511, 2014)
Fins du Moyen Âge, finalités de son étude : retour sur les trois manières de raconter la disparition, avant récidive, des Laudes regiae (1377, 1530, 1918)
Et comment raconter l'origine des acclamations royales ? Le coup d'État de 751 et la Donation de Constantin
La tension entre onction et élection, visée de l'archéologie politique, « cet étrange mélange d'anachronisme tranquille et d'ethnocentrisme heureux » (Olivier Christin, Vox populi, 2014)
Lorsque Ernst Kantorowicz réinterprétait le revival chevaleresque de la cour de Charles le Téméraire : « ce n'était plus la splendeur chatoyante de la chevalerie bourguignonne ; c'était la renommée universelle et les lauriers de César dont Charles brûlait d'envie » (cité par Robert Lerner)
Les deux formes paradoxales de la stabilité politique au Moyen Âge : la fuite est possible, l'alternative est pensable
La commune italienne comme accentuation, et non comme exception
Avant l'oublieuse Renaissance, présence de l'empire gréco-romain, gamme étendue des possibles politiques
Revenir a casa, une autre fois peut-être.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Patrice Boucheron
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Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Un renversement archéologique : l'invention de Cola di Rienzo
Quand Vasari voit en Brunelleschi un voyant davantage qu'un visionnaire
L'architecture est une cosa mentale : derrière les ruines, des villes invisibles et des vies potentielles
Optimisme constructif et « caractère destructeur » (Walter Benjamin, 1931) : « s'il met tout ce qui existe en ruine, ce n'est pas pour l'amour des ruines, mais pour le chemin qui se dessine entre elles »
Freud, la ville et l'entassement des possibles (Malaise dans la civilisation, 1929) : « si nous voulons traduire dans l'espace la succession historique, nous ne pouvons le faire qu'en plaçant spatialement les choses côte à côte ; la même unité de lieu ne tolère point deux contenus différents »
L'épreuve de modernité : les Dialogues des morts de Fontenelle (1683)
Bâtir dit l'un, détruire dit l'autre : la mémoire saturée et l'oubli volontaire
« Pompéi ne tombe en ruines que maintenant, depuis qu'elle est exhumée » (Freud, « L'homme aux rats »)
Cola di Rienzo, piéton accablé des ruines de Rome, face à la violence sociale des barones urbis
Passa-t-il « comme un météore ? » (Tommaso di Carpegna Falconieri, Cola di Rienzo, Rome, Salerno, 2002)
L'Anonimo romano : la chronique d'une expérience politique (Chronique. Rome, le temps, le monde et la révolte de Cola di Rienzo, éd. et trad. Jacqueline Malherbe-Galy et Jean-Luc Nardone, Toulouse, 2015)
Dunqua, da quale novitate comenzaraio ? Nouvelle et nouveauté : quand l'histoire commence, elle a déjà commencé
Rome, 1325, à hauteur d'un regard d'enfant apeuré
« Organiser le peuple » : le paradoxe de la pars populi (Igor Mineo)
« Je me tiens à l'écart » : écrire l'histoire pour ne pas percevoir « la guerre et les tourments qui se répandent dans tout le pays»
Redresser la chronologie : l'expérience politique de Cola di Rienzo dans le contexte des Regimi di Popolo (Jean-Claude Maire Vigueur, L'autre Rome. Une histoire des Romains à l'époque communale (XIIe-XIVe siècle), Paris, 2010)
Senza paura : munitiones, ouverture urbanistique et institutions médiévales de l'apaisement
Le dictator et le langage d'apparat de l'ars dictaminis (Benoit Grévin, Rhétorique du pouvoir médiéval. Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècle), Rome, École française de Rome, 2008)
« Le beau style de la langue de Cola » : un choc émotionnel
La parole désarmante : le politique commence quand cesse la mise à mort (Jean-Claude Milner, Pour une politique des êtres parlants. Court traité politique 2, Lagrasse, 2011)
« Il s'habillait comme un véritable tyran d'Asie. Déjà il montrait qu'il voulait par la force gouverner en tyran » : l'habit, le moine et la signature
« Alors le tribun commença à se faire haïr » : circulation des affects et rétention corporelle
Rome, « sa nourriture et sa paralysie » (Jacques Le Goff) : quel miroir de Rome Cola di Rienzo opposait-il à ses concitoyens ?
Savoir déchiffrer les reproches que nous font les ruines de la grandeur
Renversement, profanation, lisibilité : la Lex de imperio Vespasiani
Encore les ruines d'Anna Tsing, là où « peut [se] capter la senteur des communs latents et cet arôme d'automne insaisissable »
Encore les ruines de Michel Butor : « Chers amis je vous avise du fin fond du Moyen Âge »
Des ruines d'avenir, pour ne pas installer l'Apocalypse à demeure
« Bientôt, nous dépassions les rues jaunies par l'éclairage dit urbain, et nous rejoignions nos quartiers de prédilection, c'est-à-dire de naufrage » (Antoine Volodine, Des anges mineurs, Paris, 1999)
Le Constructive Reenactment de Robin Collingwood (Alain de Libera, L'Archéologie philosophique, Paris, 2016)
L'histoire nous fournit un gisement d'énoncés sous forme de solutions, mais à quelles questions ?
Anachronime, feinte et agency : rejouer l'histoire (Rémy Besson, « Le reenactment en question : entretien avec Anne Bénichou », www.entre-temps.net)
Patrice Boucheron
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Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Un renversement archéologique : l'invention de Cola di Rienzo
Quand Vasari voit en Brunelleschi un voyant davantage qu'un visionnaire
L'architecture est une cosa mentale : derrière les ruines, des villes invisibles et des vies potentielles
Optimisme constructif et « caractère destructeur » (Walter Benjamin, 1931) : « s'il met tout ce qui existe en ruine, ce n'est pas pour l'amour des ruines, mais pour le chemin qui se dessine entre elles »
Freud, la ville et l'entassement des possibles (Malaise dans la civilisation, 1929) : « si nous voulons traduire dans l'espace la succession historique, nous ne pouvons le faire qu'en plaçant spatialement les choses côte à côte ; la même unité de lieu ne tolère point deux contenus différents »
L'épreuve de modernité : les Dialogues des morts de Fontenelle (1683)
Bâtir dit l'un, détruire dit l'autre : la mémoire saturée et l'oubli volontaire
« Pompéi ne tombe en ruines que maintenant, depuis qu'elle est exhumée » (Freud, « L'homme aux rats »)
Cola di Rienzo, piéton accablé des ruines de Rome, face à la violence sociale des barones urbis
Passa-t-il « comme un météore ? » (Tommaso di Carpegna Falconieri, Cola di Rienzo, Rome, Salerno, 2002)
L'Anonimo romano : la chronique d'une expérience politique (Chronique. Rome, le temps, le monde et la révolte de Cola di Rienzo, éd. et trad. Jacqueline Malherbe-Galy et Jean-Luc Nardone, Toulouse, 2015)
Dunqua, da quale novitate comenzaraio ? Nouvelle et nouveauté : quand l'histoire commence, elle a déjà commencé
Rome, 1325, à hauteur d'un regard d'enfant apeuré
« Organiser le peuple » : le paradoxe de la pars populi (Igor Mineo)
« Je me tiens à l'écart » : écrire l'histoire pour ne pas percevoir « la guerre et les tourments qui se répandent dans tout le pays»
Redresser la chronologie : l'expérience politique de Cola di Rienzo dans le contexte des Regimi di Popolo (Jean-Claude Maire Vigueur, L'autre Rome. Une histoire des Romains à l'époque communale (XIIe-XIVe siècle), Paris, 2010)
Senza paura : munitiones, ouverture urbanistique et institutions médiévales de l'apaisement
Le dictator et le langage d'apparat de l'ars dictaminis (Benoit Grévin, Rhétorique du pouvoir médiéval. Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècle), Rome, École française de Rome, 2008)
« Le beau style de la langue de Cola » : un choc émotionnel
La parole désarmante : le politique commence quand cesse la mise à mort (Jean-Claude Milner, Pour une politique des êtres parlants. Court traité politique 2, Lagrasse, 2011)
« Il s'habillait comme un véritable tyran d'Asie. Déjà il montrait qu'il voulait par la force gouverner en tyran » : l'habit, le moine et la signature
« Alors le tribun commença à se faire haïr » : circulation des affects et rétention corporelle
Rome, « sa nourriture et sa paralysie » (Jacques Le Goff) : quel miroir de Rome Cola di Rienzo opposait-il à ses concitoyens ?
Savoir déchiffrer les reproches que nous font les ruines de la grandeur
Renversement, profanation, lisibilité : la Lex de imperio Vespasiani
Encore les ruines d'Anna Tsing, là où « peut [se] capter la senteur des communs latents et cet arôme d'automne insaisissable »
Encore les ruines de Michel Butor : « Chers amis je vous avise du fin fond du Moyen Âge »
Des ruines d'avenir, pour ne pas installer l'Apocalypse à demeure
« Bientôt, nous dépassions les rues jaunies par l'éclairage dit urbain, et nous rejoignions nos quartiers de prédilection, c'est-à-dire de naufrage » (Antoine Volodine, Des anges mineurs, Paris, 1999)
Le Constructive Reenactment de Robin Collingwood (Alain de Libera, L'Archéologie philosophique, Paris, 2016)
L'histoire nous fournit un gisement d'énoncés sous forme de solutions, mais à quelles questions ?
Anachronime, feinte et agency : rejouer l'histoire (Rémy Besson, « Le reenactment en question : entretien avec Anne Bénichou », www.entre-temps.net)
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
La charpente et l'écharde : retour sur l'étonnement des Japonais face aux missionnaires jésuites
« Ils disent aussi qu'il mourut cloué par de mauvais fonctionnaires sur un échafaudage en forme de caractère dix. Comment peut-on appeler maître du Ciel un barbare supplicié ? » (Proclamation faisant suite à l'arrestation de l'association hétérodoxe, 1616 cité par Jacques Gernet, Chine et christianisme. La première confrontation, Paris, 1982)
Le pari réussi de Sumitada et l'expérimentation politique des kirishitan daimyô
« Le paradoxe du christianisme médiéval comme idéologie est qu'à la fois il sécrète l'écart et permet la résorption de l'écart dans une norme renouvelée […] Ce jeu secrète du doute, de l'insatisfaction, de l'innovation » (Jacques Dalarun, Gouverner c'est servir. Essai de démocratie médiévale, Paris, 2012)
L'histoire des sociétés urbaines de l'Italie communale comme « l'histoire d'une capacité de création, d'une possibilité d'altérité » (Élisabeth Crouzet-Pavan, Enfers et paradis. L'Italie de Dante et de Giotto, Paris, 2001)
La différence, la répétition et l'esthétisation du pouvoir
Des « images-limites » (Jérôme Baschet) aux « situations-limites »
« Le champ des énoncés n'est pas un ensemble de plages inertes scandé par des moments féconds ; c'est un domaine qui est de bout en bout actif » (Michel Foucault, L'Archéologie du savoir, Paris, 1969)
De la règle de Grandmont aux huit règles d'une grammaire de l'expérimentation politique
L'aspiration à la règle de vie : toute expérimentation politique est une expérience existentielle (1)
Quand il n'y a rien ni personne à commémorer : un lien qui est de répétition, et non de fondation (2)
Aiguiser le sens de la communauté (3)
Construire le consensus et isoler la pars minor (4)
« Les États ne s'ordonneront jamais sans danger » (Machiavel, Discours sur la première décade de Titre-Live) : le lien de division (5)
De l'effraction à l'usure : comment durent les institutions (6)
La réversibilité des expériences politiques (7) : la réforme de Rancé, poussée à la limite de l'observance monastique
« Ce n'est pas la radicalité de la césure que l'utopie établit avec le monde qui donne en tant que telle la mesure de sa portée protestataire ; c'est la capacité qu'elle conserve d'offrir en même temps à la société qui l'environne le témoignage anticipateur d'une alternative plausible » (Danièle Hervieu-Léger, Le Temps des moines. Clôture et hospitalité, Paris, 2017)
Une utopie plausible est susceptible de changer d'échelle (8)
La notion de scalabilité (Anna Tsing, Le Champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, trad. fr., Paris, 2017)
Sur la capacité de ne pas faire d'histoires : les champignons matsutake nichent dans les ruines d'un rêve
« L'Occident médiéval est né sur les ruines du monde romain. Il y a trouvé appui et handicap à la fois. Rome a été sa nourriture et sa paralysie » (Jacques Le Goff, La Civilisation de l'Occident médiéval, Paris, 1964)
Le temps mis à l'arrêt : « Le monde entier a été par vous Romains transformé en jardin d'agrément » (Ælius Aristide)
Pourquoi les choses ne se sont-elles pas passées comme le pensait l'orateur romain ?
Le Moyen Âge est un recommencement : « L'histoire recommence du début, mais elle ne se reproduit pas » (Aldo Schiavone, L'Histoire brisée. La Rome antique et l'Occident moderne, trad. fr., Paris, 2003)
Milan, 1117 : « l'archevêque et les consuls ont fait installer deux theatra » (Landulf le Jeune, cité par Chris Wickham, Sleepwalking into a New World. The Emergence of Italian City Communes in the Twelfth Century, Princeton, 2015)
Rome, 1162 : la rénovation du Sénat et la préservation de la colonne Trajane « tant que durera le monde »
Rome, 1431 : l'Urbs fracta « comme un immense cadavre décomposé » (Le Pogge)
Humer les « bords broussailleux » des ruines du passé, là où s'invente aussi la capacité des vivants à se fabriquer les uns avec les autres (Anna Tsing)
« Mes chers amis. On nous appelle, on crie vers nous, depuis le très grand âge, pour nous dire de ne pas perdre totalement espoir » (Michel Butor, Ruines d'avenir, Arles, 2016).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2018-2019
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Les inventions du politique : expérimentations médiévales
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Autoreprésentation et Bildpolitik : le pape Boniface VIII et l'accusation d'idolâtrie (Agostino Paravicini-Bagliani)
Les légistes de Philippe le Bel, « cruels démolisseurs du Moyen Âge » (Michelet) : histoire d'une dissémination symbolique
Du pape Lucius III (m. 1185) à l'archevêque de Milan Ottone Visconti (m. 1295) : le monument funéraire comme expression de la dispute des pouvoirs
« Avant même que le siècle ne s'achève, le cheval de Bernabò Visconti se fraya un accès à l'intérieur de l'église » (Erwin Panofsky, La sculpture funéraire, 1992)
Nous t'avons vu, Bernabò Visconti : mue seigneuriale et « force de loi » (Jacques Derrida, 1994)
Violence conservatrice et violence fondatrice de droit : biffer le nom Bernabò de la généalogie des Visconti ?
Fontenelle, Dialogues des morts, 1683 : Erostrate et Démétrios de Phalère. Détruire, dit l'un ; bâtir, dit l'autre
« La terre ressemble à de grandes tablettes où chacun veut écrire son nom. Quand ces tablettes sont pleines, il faut bien effacer les noms qui y sont déjà écrits, pour y mettre de nouveaux. Que serait-ce, si tous les monuments des anciens subsistaient ? »
La fièvre statuaire de Démétrios de Phalère, le dérèglement du régime des honneurs et la ritualisation de l'outrage aux statues (Vincent Azoulay, « La gloire et l'outrage », Annales HSS, 2009)
Les Pasquinades, ou l'éloge oblige des dédicaces parodiques (Faire parler et faire taire les statues, Rome, 2017)
La tradition antique des épigrammes latins et les pratiques communales de la dérision : histoires de la vitupération et des vitupérateurs (Jean-Claude Maire Vigueur)
Du Jules César de Shakespeare à Hillary Clinton : gouverner en prose, dominer en vers
La statue parle : D'oro e d'argento coperto è il barone/Sur un cavallo bello e meraviglioso/E di fin oro si porta sperone/E par pur che sia vivo il valoroso (Matteo da Milano, Lamento funebre du Bernabò Visconti)
La valorosa Vipera gentile : développement de la poésie encomiastique autour des Visconti
Pourquoi des flatteurs ? Service de légitimation, autonomie et « mise en question critique » (Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, 1997)
Baccio Bracci, Soldan di Banbilonia e ceterà : quand Bernabò, chasseur impénitent, se transforme en loup-garou (per trasmutarlo d'uomo in bestial forma)
De l'éloge de Milan à la gloire des Visconti : le Dittamondo de Fazio degli Uberti
Giovanni Visconti come vero pastore e vera luce et la vita salvatica de Bernabò Visconti
1385, la capture du captivant seigneur
Antonio Medin et l'invention du Lamento di Bernabò Visconti
Complaintes, lyrisme et narration (Michael Fœssel, Le temps de la consolation, 2015)
Les Lamenti après les Guerres d'Italie : prosopopée populaire et culture politique italienne (Florence Alazard, Le lamento dans l'Italie de la Renaissance, 2010)
Toujours le Lamento di Bernabò Visconti : composition et codicologie (Marco Limongelli)
Force et justice dans la « triste aventure » de Bernabò : de maiore sangue è manifesto/fe granda iustitia, como se rexona
Un buongoverno de la seigneurie ? Le précédent de l'éloge funéraire de Giovanni Visconti par Gabriele Zamorei da Parma, felicis domini, magnusque potensque tyrampnus (Andrea Gamberini, « Orgogliosamente tiranni », dans Andrea Zorzi dir., Tiranni e tirannide nel Trecento italiano, 2013)
La requalification juridique de la notion de tyrannie d'après Bartolo da Sassoferrato (Diego Quaglioni)
Les Florentins doivent-ils fêter la mort de Bernabò Visconti ? Les dilemmes de Coluccio Salutati et les ambiguïtés de la florentina libertas
Les féroces chansons de Franco Sacchetti contre Bernabò Visconti : Più che Nembrot superbo, e più crudele/che non fu mai Galicola o Nerone
Nemrod, le pouvoir cynégétique et l'envers monstrueux du pouvoir pastoral (Grégoire Chamayou, Les chasses à l'homme, 2010)
« Bien qu'il fut cruel, il y avait dans ses cruautés une grande part de justice » : Franco Sacchetti et la novellisation de Bernabò Visconti.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Du passé, nous sommes séparés, alors pourquoi écrire l'histoire ? (Levent Yilmaz, Le temps moderne, 2014)
Le point de bascule machiavélien du chapitre 15 : « aussi est-il nécessaire à un prince, s'il veut se maintenir, d'apprendre à pouvoir ne pas être bon et d'un user et de n'en pas user, selon la nécessité »
Du De principatibus au Prince, de la typologie de la production sociale des états à l'anthropologie de l'exercice du pouvoir
Entre les anciens et les modernes, entre « la continuelle lecture des antiques » et « l'expérience des choses modernes », le passé moyen
L'irruption d'un nom : « Il est aussi très avantageux pour un prince de donner de rares exemples de lui-même pour le gouvernement des choses du dedans (a' governi di dentro) — semblables à ceux que l'on raconte à propos de messire Bernabò de Milan ; quand il en a l'occasion, lorsque quelqu'un fait quelque chose d'extraordinaire, ou en bien ou en mal, dans la vie civile, il doit choisir une façon de le récompenser ou de le punir dont on sera amené à beaucoup parler »
On raconte qu'il savait faire parler de lui : le hors-champ narratif de la novellistica
Grands hommes et uomini grandi : dans les Histoires florentines, « messire Bernabò » nomme le temps moyen de l'action politique
Une étude de cas classique ? Tenter d'approcher une figure historique pour prendre la mesure de ses reconfigurations par la fiction politique
Dévisager le tyran, 1 : de quelle profonde entaille se creuse le sourire de Cangrande della Scala ? Dévisager le tyran, 2 : droit, sévère, majestueux et martial, Bernabò Visconti sculpté par Bonino da Campione
Monuments funéraires et triomphes politiques, ou l'axe Milan-Vérone
L'enracinement dynastique, le blason et le portrait (Hans Belting)
La biscione des Visconti : la guivre et l'horizon onirique de la croisade (Paolo Zaninetta, Il potere raffigurato, 2013)
Du serpent à la vipère : histoire d'une mue symbolique
La vipera che i Melanesi accampa (Dante, Purg, VIII, 80), l'enfant recraché ou avalé : encore le pouvoir cannibale
Les serpentina machinatione du sens, ou la politique ondoyante des Milanais
Souffrir m'estuet : animal totémique et devise de Bernabò Visconti (Laurent Hablot)
À la tête d'une cavalcade seigneuriale, de l'effigie équestre du podestat Oldrado di Tresseno (1233) à la statue perdue d'Azzone Visconti, seigneur de Milan (1329-1339)
Chevaux modernes, chevaux antiques : le Regisole de Pavie, « une statue équestre en bronze recouverte d'or, au sommet du forum, qui semble gravir à vive allure le sommet de la colline » (Pétrarque, Seniles, 5, 1)
Le cheval de Bernabò, un « portrait de museau » (Armelle Fémelat)
L'enluminure lombarde et le traitement naturaliste du réel : du Tacuinum sanitatis (BnF, Nouv. acq. lat. 1673) au Guiron le courtois (BnF, Nouv. acq. fr. 5243)
Le mécénat de Bernabò Visconti et la culture courtoise européenne (Kay Sutton)
Charles Borromée face au monument funéraire de Bernabò Visconti dans l'église San Giovanni in Conca en 1567 : le tombeau comme provocation
Son lieu : la rocca seigneuriale en tant que recinto sacro, brève histoire d'une transgression urbanistique
L'incertaine mémoire topographique de la Cà di can, palais de Bernabò Visconti à Milan
Une reconstitution archivistique et archéologique de l'implantation palatiale des Visconti à Milan : la morsure seigneuriale (Edoardo Rossetti, « In "contrata de Vicecomitibus"… », dans Pier Nicola Pagliara et Serena Romano dir. Modernamente anichi…, Rome, 2014)
Pietro Azario, Chronicon de gestis principum Vicecomitum (avant 1363) « […] ac a lateribus stipatum, statuis referentibus eius iustitiam et fortitudinem, quibus virtutibus innixus regit ; eamque statuam locauit in superficie altaris maioris »
Galeazzo II et Bernabò Visconti, deux styles de gouvernement : par la norme et par la grâce (Andrea Gamberini, La città assediata, Rome, 2003)
Plenitudo potestatis ou plenitudo honestatis ? (Nadia Covini, "La balanza dritta", Milan, 2007)
Force de loi : les deux allégories féminines de la force et de la justice sont moins en tension qu'en soutien
Non pas une étude de cas, mais l'étude d'un cas.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Les fake news sont de fausses nouvelles : premier bilan d'étape
La circulation des fictions transmédiatiques et la novellisation (Matthieu Letourneux, Fictions à la chaine. Littératures sérielles et culture médiatique, 2017)
Ceux qui gagnent (The West Wing), ceux qui perdent (The Wire) : en quoi la fiction politique est-elle politique ?
La Novellisation, « genre contaminée » (Jan Baetens, Poétique, 2004) : produits dérivés, auctorialité dégradée
Novella, jeune pousse et avvenimenti : l'événement est ce qui advient à ce qui est advenu (Pierre Laborie)
La fiction politique éclaire l'actualité, c'est-à-dire ce que nous sommes en train de devenir
« Que porai-je de nouvel dire ? » (Froissart, Froissart Le Joli Buisson de Jonece) : la tristesse du déjà-dit (Jacqueline Cerquiglini-Toulet, La couleur de la mélancolie. La fréquentation des livres au XIVe siècle, 1991)
Nouvelle, cri, rumeur et clameur : quand le jeune plant renouvelle le champ de la littérature (Nelly Labère, Défricher le jeune plant. Étude du genre de la nouvelle au Moyen Âge, 2006)
Quatre impératifs pour la nouvelle : vérité, exemplarité, oralité, actualité
Réactualiser la fraiche mémoire, dévoiler l'obscène
Des Cent Nouvelles Nouvelles bourguignonnes (1462) à l'Heptaméron de Marguerite de Navarre (1545), ou comment désenchanter le grand récit de la Renaissance française
Ce qui fait le genre : migrations textuelles (Roger Chartier) et architextualité (Gérard Genette), le cas des Mystères urbains
Qu'est-ce qu'une chute ? La production du novus
Boccace et les formes médiévales de la brevitas : Cento novelle, o favole o parabole o istorie che dire le vogliamo
« Ce sont donc les hommes de condition moyenne (di mezzano stato) qui seront notre objet » (Francesco Bonciani, Leçon sur la composition des nouvelles, 1574)
Le motto comme facétie ascendante, la beffa comme farce condescendante
Le fourreur Ganfo dans la nouvelle de Sercambi, ou la fragilité ontologique des faibles : Va via, tu se' morto
Le survivant au pouvoir : la novellisation des dominants comme une altération qui n'affaiblit pas
Une ascension sociale contrariée, puis châtiée : le cas de Giovanni Gherardi da Prato, novelliere novellisé
Le passé sédimenté du Paradis des Alberti : 1425, 1389, 1350, 1258
« Aujourd'hui, ces seigneurs sont devenus des tyrans cruels » (Décaméron, X, 7)
« Il n'est pas utile de raconter ce qu'il en fut de la venimeuse et pestifère rage qui dressa les Guelfes contre les Gibelins dans les temps passés, puisque, de nos jours encore, on peut voir, à travers toute l'Italie, les traces et les vestiges… » (Giovanni Gherardi da Prato, Le Paradis des Alberti)
L'acquettino, ou l'insurrection poétique contre l'humanisme civique (Antonio Lanza, Polemiche e berte letterarie nella Firenze del primo Quattrocento, 1971)
« Car ça commence toujours avant… » : le Novellino, ou Libro di novelle e di bel parlar gentile
La profondeur du temps passé, l'horizon rêvé du bon gouvernement
Potente imperadore Federigo : deux Frédéric, un seul spectre impérial
« Dire combien il fut craint serait une grande affaire : bien des gens le savent » (Novellino, 84), Ezzelino da Romano, ou les origines sanglantes et grotesques de la tyrannie
« Messire Ezzelino avait à son service un conteur auquel il faisait conter des histoires pendant des longues nuits d'hiver » (Novellino, 31)
Walter Benjamin, « Le conteur » (1936), et la chute du cours de l'expérience : chaque information n'a de valeur « qu'à l'instant où elle est nouvelle » mais il n'en est pas de même du récit, « il ne se livre pas »
Une lecture poétique et politique de Dante, Ossip Mandelstam et le chant 33 de l'Enfer, « …une de ces délicieuses horreurs qu'on se marmonne avec contentement… »
Les deux agonies d'Ugolin, ou l'indétermination du politique : « dans les ténèbres de la tour de la Faim, Ugolin dévore ou ne dévore pas tous ses cadavres aimés, et cette oscillante imprécision, cette incertitude, est l'étrange matière dont il est fait. Ainsi l'a rêvé Dante, avec deux agonies possibles, et ainsi le rêveront des générations à venir » (Borgès, Neuf essais sur Dante)
Machiavel, lui aussi, face à l'indétermination des temps : frapper les esprits par quelques « rares exemples de lui-même, semblables à ceux que l'on raconte à propos de messire Bernabò de Milan » (Le Prince, 21).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
« La fresque est tombée en cet endroit et je ne serais qu'un plat romancier […] si j'entreprenais d'y suppléer » (Stendhal, La vie d'Henry Brulard)
Le « Triomphe de la mort » du Camposanto de Pise, « leçon de ténèbres »
Buffalmacco, l'auteur retrouvé : un personnage avant d'être un créateur (Luciano Bellosi)
De l'art de convertir un déclassement en « fronde expressionniste » (Enrico Castelnuovo et Carlo Ginzburg, « Domination symbolique et géographie artistique dans l'histoire de l'art italien », Actes de la recherche en science sociale, 1981)
« Traverser l'effroi », à rebours : on n'y voit moins le « sentiment de culpabilité » d'après 1348 (Millard Meiss) que « l'inculpation généralisée » (Pierre Legendre)
Le royaume de Satan et l'Enfer de Dante : quand la justice des hommes anticipe le Jugement dernier (Jérôme Baschet, Les justices de l'au-delà, Rome, 1993)
Trois contemporains, Buffalmacco, Lorenzetti et Villani : la timor et « L'angoscia delle repubbliche » (Andrea Zorzi)
Le seigneur est mortel, la seigneurie n'est ni certaine, ni fatale, ni définitive : Castruccio Castacani parmi les beaux jeunes gens frappés par la faucheuse
Mémoire fictionnelle, oubli historique : quand un souvenir se substitue à un autre
Buffalmacco et Bruno, « compagnons inséparables » (Décameron, VIII, 9) contre Calandrino « bonhomme simplet et fantasque (Décameron, VIII, 3)
« Buonamico, fils de Cristofano, dit Buffalmacco, peintre florentin, élève d'Andrea Tafi, doit au Décameron de Boccace sa célébrité de bon plaisant » (Giorgio Vasari, Le Vite…, 1568)
Vasari novelliere et Vincenzo Borghini : « d'après ce que nous en dit Franco Sacchetti »
Guido Tarlati et son singe : l'imitateur imité, l'inversion des signes
Le Massacre des innocents de Buffalmacco, ou la transsubstantiation par la peinture (Norman Land, Renaissance Quaterly, 2005)
Lire les Vite de Vasari comme un texte littéraire pour restaurer sa capacité de description sociale (Paul Barolsky, Why Mona Lisa Smiles and Other Tales by Vasari, 1993)
Déplacer l'enquête vers l'individuation et la sociologie implicite (Jacques Dubois, Le roman de Gilberte Swann. Proust sociologue paradoxal, 2018)
L'exercice des métiers dans la novellistica : l'ouvrier Agnolo chez Sacchetti et le briquetier Grillo chez Sercambi
Une burla de Buffalmacco : le peintre et ses voisins bruyants dans le Trecentonovelle
« Buonamicco était peintre à son compte et désireux de dormir ou de veiller en choisissant son temps, car il entendait exercer son art, maintenant qu'il était son propre maître, autrement que quand il était disciple, sous les ordres d'autrui »
L'oisiveté créatrice de Léonard de Vinci d'après les Novelle de Matteo Bandello
Giotto beffatore : « Pour sûr, je vais lui faire des armes à ma façon » (Sacchetti, nouvelle 63)
Le peintre, le juge, l'orage : un lessivage des apparences (Décameron, VI, 5)
« Il novelliere "en artiste" » (Marcello Ciccuto) : rendre visible la vérité par le récit ordonné d'une storia
La Novella del Grasso Legnaiuolo, ou la brigata des artistes
Qui est le Gros ? La consistance historique d'une réussite fictionnelle
La folie du Grasso et le triomphe de Brunelleschi
« Tu désires, Girolamo, être informé sur le Filippo qui fit cette farce à Grasso, parce que tu l'admires tellement quand je te dis que c'est une histoire vraie » : Antonio Manetti et la biographie de Brunelleschi (1485)
Quand la fable littéraire vient garantir le régime de véridicité d'une Vita : « afin que tu lises la nouvelle comme un récit véridique et non comme un de ces contes qui pullulent »
Nouvelles de la tyrannie : « Le sujet idéal de la domination totalitaire n'est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais les gens pour qui la distinction entre fait et fiction (c'est-à-dire la réalité de l'expérience) et la distinction entre vrai et faux (c'est-à-dire les normes de la pensée) n'existent plus » (Hannah Arendt, Le système totalitaire, 1951).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
« Malheureusement, les hommes généreux pour lesquels ces choses avaient été écrites en de meilleurs temps avaient désormais abandonné les arts libéraux aux plébéiens » (lettre du pseudo-Ilario à Uguccione della Faggiola)
L'expérience seigneuriale : régularités structurelles, grammaire politique, contextes locaux
À Pise : une histoire discontinue et graduelle
Le Zibaldone Laurenziano et la « leggenda dantesca del Boccacio », (Giuseppe Billanovitch)
Boccace et le Trattatello in laude di Dante : aimer dans la Comédie « la richesse du texte en artifices, la multitude des histoires, la sublimité des sens cachés sous le voile poétique »
La légende de la triple dédicace (l'Enfer à Uguccione della Faggiola, le Purgatoire à Moroello Malaspina, le Paradis à Frédéric II) : les raisons politiques d'une fiction littéraire
Le bivium : Albertino Mussato et Dante en 1311 et en 1316
Cangrande della Scala d'après Giovanni Villani : questi fu il maggior tiranno e 'll più possente e ricco che fosse in Lombardia da Azzolino da Romano infino allora (X, 138), valente tiranno e signore da bene […] e amico del nostro Comune (X, 95)
Coup de force poétique, transgression politique et privilegium : « En effet, ceux qui puisent leurs forces dans l'intellect et dans la raison et qui ont reçu le don divin de la liberté ne sont assujettis à aucun usage ; et il ne faut pas s'en étonner, car ils ne sont pas inspirés par les lois, mais ce sont eux qui inspirent les lois » (Dante, Épître à Cangrande dalla Scala)
« Tandis que je lisais ces phrases, j'ai cru entendre la voix de Boccaccio qui murmurait à mon oreille : "Ser Ciappelletto, c'est moi" » (Carlo Ginzburg, « L'épître à Cangrande et ses deux auteurs », Po&sie, 2008)
Vie et mœurs de François Pétrarque, florentin : histoires d'admiration et de rivalité (1343-1353)
Pétrarque à Milan, Auri sacra fames (Enéide, III, 57)
Lettre de Pétrarque à Boccace (Familiares, XXI, 15 : mai 1359)
« Ils mentent donc ceux qui disent que je cherche à diminuer sa renommée »
Un moment de vérité : « Et qui enfin peut envier celui qui n'envie pas Virgile, à moins que lui envie les applaudissements et les rauques clameurs des foulons, des gargotiers et des saltimbanques (fullonum et cauponum et lanistarum) et de tous ces gens dont la louange constitue en réalité une offense, au point que je me félicite, avec Virgile lui-même et Homère, de m'en trouver privé : je sais bien ce que vaut auprès des personnes cultivées l'éloge des incultes »
Pétrarque, La Vie solitaire et l'art du placement (Étienne Anheim)
De la haine du peuple à la haine des intellectuels : « Ce sont eux qui promènent par toute la ville, comme un vieux bibelot à vendre, leur sottise cultivée »
Les lettres à la postérité (Familiares, XXIV) comme fiction politique : « Mais quel délire t'a poussé contre Antoine ? L'amour de la République, je crois, que tu reconnaissais s'être déjà écroulée de fond en comble » (Pétrarque à Cicéron)
Négocier avec ses précurseurs lointains, préfigurer la politique à venir : la curialisation de l'exercice du gouvernement au Quattrocento
L'impossible portrait de groupe des auteurs de la novellistica toscane et la déstabilisation de la fonction auteur : de Gentile Sermini au pseudo-Sermini (Monica Marchi)
Franco Sacchetti pendant la « Guerre des Huit Saints » (1375-1378) : Florence defensor libertatis
Io scrittor : écrire, recueillir et composer le Trecentonovelle
Franco Sacchetti, l'engagement civique et les frustrations d'une carrière politique : la canaille littéraire des « Rousseau du ruisseau » ?
À l'inverse, Giovanni Sercambi et le buon governo de la seigneurie
Vendre la mèche : engagement sartrien, déclassement social et aspiration à une aristocratie fictive (Ronan de Calan, La littérature pure. Histoire d'un déclassement, 2017).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
« Malheureusement, les hommes généreux pour lesquels ces choses avaient été écrites en de meilleurs temps avaient désormais abandonné les arts libéraux aux plébéiens » (lettre du pseudo-Ilario à Uguccione della Faggiola)
L'expérience seigneuriale : régularités structurelles, grammaire politique, contextes locaux
À Pise : une histoire discontinue et graduelle
Le Zibaldone Laurenziano et la « leggenda dantesca del Boccacio », (Giuseppe Billanovitch)
Boccace et le Trattatello in laude di Dante : aimer dans la Comédie « la richesse du texte en artifices, la multitude des histoires, la sublimité des sens cachés sous le voile poétique »
La légende de la triple dédicace (l'Enfer à Uguccione della Faggiola, le Purgatoire à Moroello Malaspina, le Paradis à Frédéric II) : les raisons politiques d'une fiction littéraire
Le bivium : Albertino Mussato et Dante en 1311 et en 1316
Cangrande della Scala d'après Giovanni Villani : questi fu il maggior tiranno e 'll più possente e ricco che fosse in Lombardia da Azzolino da Romano infino allora (X, 138), valente tiranno e signore da bene […] e amico del nostro Comune (X, 95)
Coup de force poétique, transgression politique et privilegium : « En effet, ceux qui puisent leurs forces dans l'intellect et dans la raison et qui ont reçu le don divin de la liberté ne sont assujettis à aucun usage ; et il ne faut pas s'en étonner, car ils ne sont pas inspirés par les lois, mais ce sont eux qui inspirent les lois » (Dante, Épître à Cangrande dalla Scala)
« Tandis que je lisais ces phrases, j'ai cru entendre la voix de Boccaccio qui murmurait à mon oreille : "Ser Ciappelletto, c'est moi" » (Carlo Ginzburg, « L'épître à Cangrande et ses deux auteurs », Po&sie, 2008)
Vie et mœurs de François Pétrarque, florentin : histoires d'admiration et de rivalité (1343-1353)
Pétrarque à Milan, Auri sacra fames (Enéide, III, 57)
Lettre de Pétrarque à Boccace (Familiares, XXI, 15 : mai 1359)
« Ils mentent donc ceux qui disent que je cherche à diminuer sa renommée »
Un moment de vérité : « Et qui enfin peut envier celui qui n'envie pas Virgile, à moins que lui envie les applaudissements et les rauques clameurs des foulons, des gargotiers et des saltimbanques (fullonum et cauponum et lanistarum) et de tous ces gens dont la louange constitue en réalité une offense, au point que je me félicite, avec Virgile lui-même et Homère, de m'en trouver privé : je sais bien ce que vaut auprès des personnes cultivées l'éloge des incultes »
Pétrarque, La Vie solitaire et l'art du placement (Étienne Anheim)
De la haine du peuple à la haine des intellectuels : « Ce sont eux qui promènent par toute la ville, comme un vieux bibelot à vendre, leur sottise cultivée »
Les lettres à la postérité (Familiares, XXIV) comme fiction politique : « Mais quel délire t'a poussé contre Antoine ? L'amour de la République, je crois, que tu reconnaissais s'être déjà écroulée de fond en comble » (Pétrarque à Cicéron)
Négocier avec ses précurseurs lointains, préfigurer la politique à venir : la curialisation de l'exercice du gouvernement au Quattrocento
L'impossible portrait de groupe des auteurs de la novellistica toscane et la déstabilisation de la fonction auteur : de Gentile Sermini au pseudo-Sermini (Monica Marchi)
Franco Sacchetti pendant la « Guerre des Huit Saints » (1375-1378) : Florence defensor libertatis
Io scrittor : écrire, recueillir et composer le Trecentonovelle
Franco Sacchetti, l'engagement civique et les frustrations d'une carrière politique : la canaille littéraire des « Rousseau du ruisseau » ?
À l'inverse, Giovanni Sercambi et le buon governo de la seigneurie
Vendre la mèche : engagement sartrien, déclassement social et aspiration à une aristocratie fictive (Ronan de Calan, La littérature pure. Histoire d'un déclassement, 2017).
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Vérone, 1350 : Boccace et sœur Béatrice
Le nom est un « bouclier de vérité » : « Lorsqu'à mes yeux parut pour la première fois la glorieuse dame de ma pensée, laquelle fut appelée Béatrice par bien des gens qui ne savaient ce que c'est que donner un nom » (Dante, Vita nuova)
« A Messer Giovanni Boccaccio payé ce jour dix florins d'or pour qu'il les donne à sœur Béatrice de Dante Alighieri, moniale de Santo Stefano degli Ulivi à Ravenne »
Bologne, 1317-1321 : premières attestations documentaires de la diffusion sociale de la Commedia
La société dantesque, depuis le Trecentonovelle de Franco Sacchetti
Qui est Boccace en 1350 ?
« Ici commence le livre qui a pour titre Décaméron et pour sous-titre Prince Galehaut, dans lequel sont contenues cent nouvelles dites en dix jours par sept dames et par trois jeunes gens »
Francesca da Rimini et Paolo Malatesta : « Galehaut fut le livre et le trouvère » (Inf., IV, 137)
Le récit par Boccace de la mort de Paolo et Francesca en 1373, ou la 101e nouvelle du Décaméron
Une comédie humaine. « Je veux qu'en cette première journée, chacun soit libre de traiter le sujet qu'il voudra » (Décaméron, I, 1)
Quand doit-on commencer à rire ? Dérision, émancipation et critique sociale
Io sono una forza del Passato : Pasolini et la Trilogie de la vie
Boccace, Genealogiae deorum gentilium libri : la fable est comme un voile ou une écorce qui cache la vérité de l'exemple sous une fiction
Les opérations du droit, la théologie et la logique du comme si (Yan Thomas)
« Mon histoire est celle de Musciatto Franzesi »
De Ceparello à Ciappelletto : un personnage nommé par une équivoque
L'auteur, son narrateur, un personnage historique et son double imaginaire : la chaîne fictionnelle
Documenti di Ser Ciappellatto (Cesare Paoli) , « Notaire de son état, il était fort honteux quand l'un de ses actes (encore qu'il en couchât très peu de sa main) n'était pas tenu pour un faux »
La fabrique des saints, une parodie qui tourne mal : « Ainsi donc vécut et mourut maître Ciappelletto de Prato, dont on fit un saint comme vous venez de l'entendre. Loin de moi l'idée de nier sa présence parmi les bienheureux »
Quand on cesse de rire : traductions de la première nouvelle de la première journée du Décaméron en castillan et en français (Enrica Zanin)
« Car ça commence toujours avant et il finit toujours par manquer quelque chose » (Mathieu Riboulet, Entre les deux il n'y a rien (Verdier, 2015)
Infamia, arbitrium, privilegium, pactum : une lecture normative de l'œuvre de Dante (Justin Steinberg, Dante and the Limits of Law, Chicago UP, 2013)
Le poète procreator : « N'attend plus de moi ni dire ni mon signe/car libéré, droit et sain est ton arbitre/ ne pas faire à son gré serait forfaire » (Purg., XXVII, 139-142)
Ciappelletto est-il le double parodique de Brunetto Latini ? (Robert Hollander, Boccaccio's Dante and the Shaping Force of Satire, 1997)
Siete voi qui ser Brunetto ? Dante sous une pluie de feu (André Pézard, 1950)
L'Ulysse de Dante désire divenir del mondo esperto (Inf. XXVI, 98)
Primo Levi, Si c'est un homme : « J'y suis, attention Pikolo, ouvre grands tes oreilles et ton esprit, j'ai besoin que tu comprennes : Considerate la vostra semenza : /Fatti non foste a viver come bruti / Ma per seguir virtute e conoscenza. Et c'est comme si moi aussi j'entendais ces paroles pour la première fois : comme une sonnerie de trompettes, comme la voix de Dieu ».
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Suivre les « narrateurs habiles et légers », d'accord, mais qu'est-ce que la légèreté ?
Italo Calvino appelle « légèreté pensive » (pensosità) cet élan qui fait paraître pesante, inerte et opaque la frivolité (Leçons américaines, 1986)
Boccace, Décaméron, neuvième nouvelle de la sixième journée : histoire d'une brigata spendericcia
Sept femmes, trois hommes et deux personnages historiques : Betto Brunelleschi et Guido Cavalcanti
Temps de l'histoire, temps de la narration et passé récent
« Il se trouvait donc entre les colonnes de porphyre que l'on peut toujours voir, les tombeaux et la porte de San Giovanni, quand messire Betto, traversant à cheval la place de Santa Reparata avec sa compagnie, l'aperçut parmi ces sépultures et dit en accord avec ses amis : "allons lui chercher noise" (Andiamo a dargli briga) »
Une accusation d'athéisme un peu cavalière
« Se voyant encerclé, Guido leur répondit avec promptitude (prestamente) : "Seigneurs, vous êtes ici chez vous, livre à vous de me dire ce que vous vous semble" : puis ayant posé la main sur l'un de ces tombeaux qui étaient très hauts, il prit son élan et, doué qu'il était d'une parfaite légèreté (sì come colui che leggerissimo era), se retrouva de l'autre côté ; leur ayant échappé, il s'en alla »
L'éloge, par Italo Calvino, du bond léger : « Que sa gravité recèle le secret de la légèreté, tandis que ce que beaucoup prennent pour la vitalité des temps, bruyante, agressive, trépignante et tapageuse, appartient au royaume de la mort, comme un cimetière d'automobiles rouillées »
Historiciser notre lecture de la nouvelle : Giorgio Inglese, Francesco Baussi, Fosca Mariani Zini
Qu'est-ce qu'un cas ? « La forme du cas a ceci de particulier qu'elle pose une question sans pouvoir donner la réponse, qu'elle nous impose l'obligation de décider mais sans contenir la décision elle-même — elle est le lieu où s'effectue la pesée mais non pas encore le résultat » (André Jolles, Formes simples, Paris, 1972)
Le récit cadre de la sixième journée du Décaméron, le trait d'esprit comme morsure légère : « je veux vous rappeler que la nature de la répartie n'est pas de mordre comme un chien, mais comme une brebis »
La chute ne sera pas mortelle : Guido Cavalcanti se dégage, Betto Brunelleschi se fait l'interprète de sa propre défaite
La violence d'un magnat : « Et beaucoup se réjouirent de sa mort, car ce fut un bien triste citoyen » (Dino Compagni, Cronica, à propos de la mort en 1311 de Betto Brunelleschi)
Retour à la cité (Christiane Klapisch-Zuber, 2006) : quand le magnat négocie sa réintégration dans le fonctionnement ordinaire des institutions communales
Guido Cavalcanti, « l'un des meilleurs dialecticiens du monde, excellent expert en philosophie naturelle » : loquens ut naturalis
Averroès, les épicuriens et la leggiadria de Guido
Messer Brunetto, questa pulzelletta (Dante, Rime, sonnet 99)
La brigata de Dante et de Guido Calvalcanti : une poésie du savoir (Emanuele Coccia et Sylvain Piron)
Une société dantesque : fiction du cas, friction des normes
1348 : histoire globale d'un événement de longue durée
« Ceuls qui moururent/nul ne les pourroit nombrer/ Ymaginer, penser ne dire/Figurer, monstrer ne ecrire » (Guillaume de Machaut)
Des textes de la pratique qui ne documentent que les à-côtés du désastre
Millard Meiss, La peinture à Florence et à Sienne après la Peste noire (1951) : la peinture donne-t-elle à voir l'irruption de la mort ?
Vasari et le déni de peste : « la chance prodigieuse de vivre au temps de Messire François Pétrarque »
La peste n'est pas dépeinte, elle est peinte ; elle n'est pas décrite, elle est écrite (Georges Didi-Hubermann, « Feux d'images. Un malaise dans la représentation du XIVe siècle », préface à Millard Meiss)
Défiguration de masse et décomposition de la ressemblance
« Après ce bouleversement, la cité vécut en paix jusqu'en 1348, époque de cette peste mémorable (quella memorabile pestilenzia) décrite par Giovanni Bocaccio avec tant d'éloquence, et qui enleva dans Florence plus de quatre-vingt-seize âmes » (Machiavel, Histoires florentines, 1526)
Inoubliable mais indescriptible, la peste ne produit pas de bouleversements politiques
Lire en historien la description en « frontispice » du Décaméron : « …entassés là, comme les marchandises que l'on empile dans les cales des navires, ils étaient couche après couche recouverts d'un peu de terre jusqu'à ce que l'on fût au sommet de la fosse »
Après cet « horrible commencement », traverser l'effroi : « Mais je ne voudrais pas que l'effroi vous interdise d'aller plus avant »
Guido Cavalcanti, « narrateur habile et léger » : lui aussi a traversé l'effro
« L'instant de survivre est instant de puissance. L'effroi d'avoir vu la mort se dénoue en satisfaction, puisque l'on n'est pas soi-même le mort » (Elias Canetti, Masse et puissance, 1960)
Le tyran est un survivant au pouvoir.
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2017-2018
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie
Tout pouvoir est pouvoir de mise en récit. Cela ne signifie pas seulement qu'il se donne à voir et à comprendre par des fables ou des intrigues ; cela veut dire plus profondément qu'il ne devient pleinement efficient qu'à partir du moment où il réoriente les récits de vie de ceux qu'il domine. On doit sans louvoyer envisager cette puissance narrative de l'exercice du pouvoir, qui noue art de gouverner et art de raconter, si l'on veut comprendre les formes historiques du consentement au pouvoir autoritaire. Pour le dire vite : ce qu'il y a d'attirant dans la tyrannie, c'est sa puissance fictionnelle. Non seulement sa capacité à parler et à faire parler, mais à susciter une énergie narrative. Et le travail de l'historien consiste à chercher le moyen d'y contrevenir.
Le cours de cette année poursuit la réflexion sur les fictions politiques engagées l'année précédente. Il s'agit toujours de les envisager comme des formes narratives de la théorie politique, susceptibles de produire des effets de vérité sur le présent et d'en partager l'expérience à partir d'un passé historique. Mais il s'agit désormais de le faire à partir d'un corpus strictement limité : celui de la novellistica italienne qui, dans l'effet de souffle de la révolution narrative du Décameron de Boccace, constitue un genre littéraire propre aux sociétés urbaines de l'Italie communale et post-communale, en Toscane notamment. Du XIVe au XVIe siècle, se développe donc une production textuelle singulière porteuse d'un savoir social particulièrement corrosif dont on tentera d'analyser la sociologie implicite.
De Franco Sacchetti a Matteo Bandello, en passant par Giovanni Sercambi, le pseudo-Gentile Sermini et tant d'autres, souvent anonymes, cette littérature des novelle permet de saisir, notamment à l'épreuve de la beffa, c'est-à-dire du pouvoir subversif de la dérision, les mécanismes d'une société politique en crise. On tentera d'en dresser le portrait historique, en prenant la mesure des rapports entre expérience seigneuriale et tradition communale. Pour cela, on s'intéressera en particulier au destin fictionnel de Bernabò Visconti, seigneur de Milan de 1354 à 1385, qui devient, de son vivant même, un personnage de novelle, incarnant un personnage inquiétant et grotesque qui se maintient comme tel un siècle durant, au fur et à mesure du développement du genre. Il devient alors ce tyran attirant qui, par son rôle de beffatore ne cesse de créer des surprises et de susciter le rire. Ce rire est-il libérateur où installe-t-il dans l'horizon narratif familier de la nouvelle une certaine acclimatation au pouvoir tyrannique ?
« Pour l'essentiel, le pouvoir autoritaire est librement consenti » (Timothy Snyder, De la tyrannie.Vingt leçons du XXe siècle, Paris, 2017)
Un recueil de nouvelles théoriques, où « l'obéissance anticipée » de l'intrigue à la morale
L'hypothèse de départ : un nouage entre art de gouverner et art de raconter
Quand le « roman du dictateur » mime et mine la voix du despote : le Recours de la méthode (Alejo Carpentier, 1974)
« Il jette sa voix devant lui pour être entendu, écouté, obéi. Bien qu'il paraisse muet, taciturne, silencieux, son silence est un ordre. Ce qui signifie que dans le Suprême, il y a au moins deux personnes » (Augusto Roa Bastos,Moi, le Suprême, 1974)
Le « monologue multiple » de Gabriel Garcia Marquez et la « neutralisation de la fascination » (Emmanuel Bouju, La transcription de l'histoire, Rennes, 2006)
Le chaos carnavalesque : « un bobard de l'imagination, un tyran pour rire qui ne sut jamais où était l'envers et où était l'endroit de cette vie » (L'Automne du patriarche, 1975)
Retour à la novellistica toscane et rappels de quelques propositions du cours de l'année précédentes sur les fictions politiques comme expérience de production de la vérité : métaphores, préfigurations, pastiches et postiches
« Ce qui distingue la fiction de l'expérience ordinaire, ce n'est pas un défaut de réalité mais un surcroît de rationalité » (Jacques Rancière, Les bords de la fiction, Paris, 2017)
« Face au Léviathan » : Rebrousser chemin à partir d'un point de répulsion : le nouvel âge de la représentation
Le 15 mai 1610, au matin, un enfant de huit ans…
Louis XIII et la fiction politique des origines médiévales du Lit de justice
Dérèglement rituel, improvisation théâtrale
« Qu'a-t-on à opposer au pouvoir absolu de l'empereur ? Ni un droit ni des idées. Seulement une accumulation de souvenirs, vrais ou inventés, et d'images » (Gilbert Dagron, Empereur et prêtre. Etude sur le "césaropapisme" byzantin, Paris, 1996)
Le « portrait royal rasséréné » de Henri IV et le « roi hanté » Louis XIII : l'âge de la « représentation représentée » (Yann Lignereux, Les rois imaginaires. Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis XIV, Rennes, 2016)
Le coup de majesté de l'assassinat de Concini le 25 avril 1617
Une histoire visuelle et textuelle de la fabrique du tyran (Hélène Duccini, Faire voir, faire croire. L'opinion publique sous Louis XIII, Seyssel, 2003)
Les Merveilles et coup d'essai de Louis le Juste : « Que vous, Sire, ayez eu une patience merveilleuse et conduite si secrète qu'à peine se trouverait-elle semblable aux âmes les plus chenues, c'est ce qui me jette comme hors de moi »
Le prince idéal comme illusion d'optique : une histoire d'anamorphoses et de prises de position
Le coup d'État est comme l'orage : « on voit plus tôt tomber le tonnerre qu'on ne l'a entendu gronder dans les nuées » (Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d'Etat, 1639)
La fiction politique comme loupe politique qui permet d'observer, après-coup, les signes avant-coureurs
Un avant-coup fictionnel : le ballet dansé de la Délivrance de Renaud (29 janvier 1617)
La force de frappe du pathétique politique fait défaillir la représentation (Sylvaine Guyot)
Un feu purificateur va « rappeler tous ses sujets à leur devoir, et les purger de tous prétextes de désobéissance » (Discours au vray du ballet dansé par le Roy)
La théâtralisation du projet politique de Louis XIII, un acting out ?
Quand l'événement devient, en temps réel, la scénographie de son propre déroulement « Merci, grand merci à vous, à cette heure je suis roi »
Répétition fictionnelle et clôture tragique : La Magicienne étrangère
Les deux costumes du roi : « la force démoniaque du feu [s'est] transformée et intensifiée en lumière du roi soleil » (Giovanni Carreri, Jérusalem délivrée. Gestes d'amour et de guerres, Paris, 2005)
Comme dans La fête au bouc (Mario Vargas Llosa, 2000), le désordre burlesque est une inversion carnavalesque aux fins du pouvoir
« Et voici le mythe fondateur ; un jour, la force, au lieu de frapper, a parlé ? Au lieu de se faire craindre, par sa nécessité même, de faire la guerre pour s'assurer qu'elle était la plus forte, elle s'est investie dans les signes qui la désignent, elle s'est mise en représentation. Elle a tenu discours, un discours qui répète seulement ceci ; qu'elle est la justice et la vérité » (Louis Marin, Le récit est un piège, 1978)
Est-il imparable ? La leçon des bêtes et les « brèves machinations » des fables (La Fontaine, « Le pouvoir des fables ») et des contes (Perrault, Le chat botté)
Suivons les « narrateurs habiles et légers ».
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Présentation du cours de l'année dans le cadre des courTs du Collège de France
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Fictions politiques
Patrice Boucheron
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
12 - La trace et l'aura, une histoire de mémoire et d'oubli
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
11 - Les nouveaux Ambroise de la Contre-Réforme
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
10 - Comment oublier Ambroise ?
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
09 - La brèche : révolutions ambrosiennes
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
08 - Seigneurs et saints cavaliers
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
07 - La dispute communale du souvenir
Patrice Boucheron
Collège de France
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Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
06 - Papes, évêques, empereurs
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
05 - Canonisation et « décanonisation » d'une autorité patristique
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
04 - L'invention de la tradition liturgique
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
03 - Topographie légendaire des souvenirs ambrosiens à Milan
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
02 - La « Vita ambrosii » ou le mentir vrai
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Souvenirs, fictions, croyances. Le long Moyen Âge d'Ambroise de Milan
01 - Dissiper l'aura d'un nom propre
Patrice Boucheron
Collège de France
Année 2015-2016
Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle
Leçon inaugurale - Ce que peut l'histoire
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